Antoinette Chahine au lycée de Balagne : un témoignage bouleversant porté par Amnesty International

Written on 11/24/2025
Maria-Serena Volpei-Aliotti

Venue spécialement du Liban, à l’occasion de sa tournée avec Amnesty International, Antoinette Chahine, a fait une halte en Corse, pour rencontrer les lycéens de Balagne.
Survivante de la torture et rescapée de la peine de mort, elle est intervenue ce mercredi matin au lycée de Balagne. Un moment d’une intensité rare, porté par Amnesty International, qui a profondément marqué élèves, enseignants et militants.

Une longue collaboration entre Amnesty et le lycée de Balagne
Depuis près de dix ans, Amnesty International Corse travaille main dans la main avec le lycée de Balagne. Nathalie Tisserand, professeure documentaliste et membre d’Amnesty, revient sur cette collaboration. 
« Cela fait à peu près dix ans que, avec le groupe Amnesty International de Corse, nous travaillons ensemble. On reçoit des expositions, on organise des projections, on débat. L’année dernière encore, avec Cathy Vittori, nous avons accueilli la classe de première STMG. On sentait les élèves en questionnements, pour ou contre la peine de mort, et ils seraient restés des heures tant les échanges étaient riches». 
C’est dans ce contexte qu’a germé l’idée de faire venir Antoinette Chahine.
« On savait qu’elle pourrait potentiellement venir. Quand cela s’est confirmé, je me suis naturellement tournée vers ces élèves qui avaient déjà travaillé sur la peine de mort. Ils ont été immédiatement réceptifs. Et puis, c’est une chance immense, elle ne vient qu’au lycée de Balagne pour la Corse». 
 
Amnesty Corse, une présence constante pour les droits humains
Responsable du groupe Amnesty International Corse, Alain Jaffet insiste sur la place du lycée dans leurs actions. 
« Cela fait dix ans qu’on travaille ici. Tous les ans, deux à trois classes assistent à des projections au Fogata. Nous choisissons des films qui traitent des droits humains. Le dernier en date, Les Fantômes, est un film syrien sur les tortures. Quand le budget le permet, on passe trois ou quatre films par an». 
Il évoque également un engagement concret, la défense d’un père colombien menacé de mort dans son pays :
« Il est arrivé sans papiers, menacé par des cartels. On a monté le dossier. L’OFPRA a d’abord refusé. On n’a pas l’habitude de ce type de dossier en Corse et on a essuyé les plâtres. Puis, avec un avocat, on a gagné. Sa famille est maintenant ici, en sécurité». 
Pour lui, la venue d’Antoinette est un moment exceptionnel. 
« Son témoignage est très fort. On voit que les élèves ont été touchés. C’est la première fois qu’ils se retrouvent face à quelqu’un qui a vécu la torture et la condamnation à mort. Quand la région PACA–Corse nous a proposé cette action, on a dit oui tout de suite».
 
Des élèves bouleversés et transformés
Mariana Oliveira da Silva et Hugo Moinard, élèves de Terminale STMG, ressortent profondément marqués.
« J’avais un avis assez dur sur la peine de mort. J’étais pour, dans les cas extrêmes. Mais entendre Antoinette… ça m’a complètement changée. Elle a vraiment souffert de la torture, de la sentence. Elle s’est sans doute vue mourir. Son témoignage m’a fait évoluer. Peut-être que je m’investirai plus dans Amnesty», confie Mariana. 
Hugo partage la même émotion. 
« C’est la première fois qu’on voit une personne qui a directement vécu la torture. D’habitude, c’est les réseaux, les médias, là on ouvre vraiment les yeux. Elle nous a raconté ce qu’elle a vécu, elle, mais aussi ses proches. Ça laisse une trace. Je vais en parler autour de moi, à mes parents, en cours de philo on va certainement débattre, à nos camarades…»
Pour les deux jeunes, l’abstraction a laissé place au réel.
« Avant, Amnesty c’était abstrait. Là, non, c’est concret. Maintenant c’est à nous de véhiculer ce message. »
 
Pourquoi la Balagne ?
Pierre Mitrano, responsable régional PACA–Corse et membre du Conseil national d’Amnesty International France, explique ce choix.
« Antoinette a fait plusieurs tournées en 2023 et 2024. Les deux premières années, elle n’a pas pu venir en Corse. Cette fois, c’était une évidence. La structure de Haute-Corse travaille déjà avec le lycée de Balagne, qui accueille chaque année l’exposition sur la peine de mort. Conclure cette exposition par ce témoignage était logique. »
 
 
Antoinette Chahine, la force du témoignage
 
La prise de parole d’Antoinette a bouleversé l’assemblée. Elle raconte: 
« Pour moi, c’est le plus important de témoigner devant les jeunes. Je leur dis toujours : vous pouvez changer le monde. Un clic, une signature, une lettre… Il faut s’intéresser aux droits de l’homme, car un monde sans droits de l’homme est un monde en guerre».
Elle ne dissimule pas l’intensité émotionnelle de son engagement. 
« C’est difficile de raconter, de revivre chaque fois ce calvaire. Mais il faut quelqu’un qui parle, qui témoigne de ce qui se passe dans le monde. Et quand un jeune me dit que j’ai changé son opinion sur la peine de mort… c’est quelque chose qui me donne de la force. Je ne baisserai pas les bras».
Elle rappelle aussi l’importance des militants. 
« Avec un stylo et un bout de papier, ils ont sauvé ma vie. Ils ont ouvert la porte de ma prison. Je suis là pour leur dire : continuez. Ce que vous faites est extraordinaire». 
 
Un hommage à Robert Badinter
Avant de conclure, Antoinette a tenu à évoquer celui qu’elle appelle le « parrain » de son combat. 
« J’ai eu l’honneur d’assister à son entrée au Panthéon. J’ai pu le rencontrer, militer à ses côtés. Il disait que j’incarnais la lutte pour l’abolition. C’est un immense honneur pour moi. »
 
Une rencontre rare et précieuse
Antoinette Chahine aura passé moins de 48 heures en Corse, avant de poursuivre sa tournée à Toulouse et dans plusieurs lycées du sud.
Mais pour le lycée de Balagne, son passage restera inoubliable.
Un moment de vérité, d’émotion et de transmission, qui continuera de résonner longtemps dans les couloirs du lycée et dans la conscience des jeunes générations.