Orange Days : une semaine de mobilisation en Corse contre les violences intrafamiliales

Written on 11/24/2025
Léana Serve

Du 25 novembre au 2 décembre, la Corse se mobilise à l’occasion des Orange Days, une campagne internationale de sensibilisation contre les violences faites aux femmes, aux enfants et aux adolescents. Théâtre-forum, ciné-débats, conférences et ateliers de prévention s’organisent sur l’île pour informer, accompagner les victimes et toucher le grand public, en ville comme en milieu rural.

C’est une période de mobilisation contre les violences faites aux femmes, aux enfants et aux adolescents : les Orange Days. Du 25 novembre au 2 décembre, la Corse prend part à cette campagne internationale, portée par l’ONU depuis 2008, et qui vise à lutter contre toutes les formes de violences intrafamiliales, sexuelles, physiques et psychologiques. Organisé par C3S, les équipes EVARS 2A et 2B, Mouv’Zitelli et leurs partenaires, l’événement décline sur le territoire insulaire une série d’actions, de rencontres et d’ateliers pensés pour sensibiliser et accompagner les publics. « Ça s'adresse à tous les publics, mais on intervient davantage sur le côté prévention auprès des plus vulnérables : les femmes, les jeunes, et toutes les personnes en situation de handicap qu'on oublie souvent », explique Paule Maerten, coordinatrice de C3S. « Sinon, c’est pour sensibiliser le grand public. »
 

Pour cette édition 2025, la programmation s’étend d’Ajaccio à Bastia, en passant par L’Île-Rousse et Marignana. « On travaille en partenariat avec des structures associatives qui travaillent dans le cadre des violences faites aux femmes, mais aussi avec des cinémas et des acteurs engagés qui ne sont pas forcément issus du tissu associatif dédié aux violences faites aux femmes pour pouvoir toucher un public beaucoup plus large. » À L’Île-Rousse, la mobilisation débute le 25 novembre par un théâtre-forum sur la place du parent protecteur et les violences vicariantes, suivi d’un ciné-débat autour du film Tu n’es pas seule. En parallèle, le van En voiture Nina et Simone proposera « des entretiens individuels et collectifs centrés sur le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles ».
 

Le 26 novembre, Ajaccio consacre une journée aux violences faites aux femmes et aux filles dans le milieu sportif. Une conférence sur l’adolescence et le cyberharcèlement sera suivie d’une table ronde sur le harcèlement dans le sport, et une initiation au krav-maga clôturera la journée. « Quand on a été victime, il peut être possible de travailler sur la question de l’autodéfense et la réaffirmation de soi pour se reconstruire. » La programmation se déploie également à Marignana, où un ciné-débat et une permanence de l’EVARS 2B seront proposés. « On va toucher un grand public à Ajaccio et Bastia, mais on va aussi en milieu rural pour aller vers les publics les plus retirés », souligne Paule Maerten.
 

« On propose différents ateliers parce que la reconstruction est singulière à toute personne qui a été victime à un moment donné, et on ne peut pas se permettre de donner une seule réponse qui voudrait que la personne aille vers un psychologue ou un psychiatre. Il faut justement étayer l'offre puisque l'idée, c'est de laisser à la victime le choix de sa reconstruction. Et l'avantage du théâtre-forum par exemple, c'est qu’une personne qui a été victime peut se retrouver avec d'autres personnes qui ont été victimes : c'est le soutien à travers les pairs, et on s'aperçoit que ce soutien-là est parfois l'un des plus importants pour la personne dans le cadre de sa reconstruction. »
 

Renforcer la sensibilisation
 

Si la mobilisation s’intensifie, c’est notamment parce que la situation reste particulièrement préoccupante sur l’île. « À fin octobre, les forces de sécurité ont constaté 918 faits de violences physiques intrafamiliales, ce qui correspond à trois faits par jour, et trois faits sur quatre se déroulent dans le cadre conjugal », alerte Paule Maerten. « Ces chiffres font évidemment froid dans le dos, mais ils montrent que la prévention, le repérage et la sensibilisation sont des urgences de santé publique. » À l’échelle nationale, la tendance confirme cette gravité : 107 féminicides ont été recensés en 2024, soit une femme tuée tous les trois jours par son conjoint ou ex-conjoint. Plus largement, 244 000 femmes ont déclaré en 2022 subir des violences intrafamiliales, et 91 % des violences sexuelles sur mineurs sont commises par des proches.
 

Pour Paule Maerten, multiplier les dispositifs institutionnels ne suffit plus. « C’est très bien de créer des maisons des femmes, des unités médico-judiciaires, mais ça ne remplacera jamais la prévention et le “aller vers”. Si on ne va pas vers une victime, son processus pour libérer sa parole peut être encore plus long. L'idée, c'est de mettre en lumière ces questions pour accentuer les moyens du côté de la prévention parce que la prévention doit arriver avant qu'un malheur n'arrive. » L’objectif des Orange Days est donc aussi de rendre visibles les ressources existantes, en particulier dans les zones rurales où l’accès à l’information est parfois limité. « En milieu rural, ce n'est pas évident de connaître les dispositifs, associations et professionnels de santé ou de justice. Aller vers ces publics, ça permet de renforcer la connaissance, et ça peut permettre de libérer davantage des paroles qui seraient tues. »

La formation des professionnels de première ligne constitue également un enjeu central dans la lutte contre les violences. « On a par exemple la CPTS de Balagne qui nous a sollicités pour être sensibilisés et formés au repérage des premiers signes des personnes qui sont victimes, et c’est très bien, parce que quasiment tout le monde va voir un médecin généraliste pour une angine, une grippe, l'enfant qui ne va pas bien… Il faut vraiment accentuer la formation pour ces professionnels qui sont les premiers que l'on va voir. »