À Bastia, une conférence relance le débat sur l’imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineurs

Written on 06/14/2025
MP

Ce vendredi, l’association Corse Stratégie Santé Sexuelle (C3S) organisait une conférence-débat en partenariat avec le tribunal judiciaire de Bastia sur la question sensible de l’imprescriptibilité des violences sexuelles sur les mineurs. L'occasion de relancer ce débat sensible, grâce à l'éclairage de différents experts.


C’est un sujet sensible qui est régulièrement remis au cœur du débat public. Ce vendredi soir, Corse Stratégie Santé Sexuelle (C3S) organisait une conférence-débat sur la question de l’imprescriptibilité des violences sexuelles sur les mineurs, dans les locaux de la Cour d’appel de Bastia. Déjà appliquée dans d’autres pays, cette évolution législative reste en effet encore controversée en France bien qu’elle représente un enjeu fondamental pour de nombreux défenseurs des victimes, à l’instar de C3S. 
 
« Les violences sexuelles sur les mineurs ont des répercussions importantes sur la santé affective, relationnelle, sexuelle et mentale », explique Paule Maerten, coordinatrice de l’association en racontant qu’en janvier 2024, lors des caravanes Mouv’Enfants organisées en Corse, « une victime âgée d'une cinquantaine d'années a révélé pour la première fois les viols qu’elle avait subis dans son enfance ». Une parole tardive, comme souvent bloquée par une « amnésie traumatique ». Or, les victimes de tels faits ne disposent aujourd’hui que de 30 ans pour se pourvoir en justice. « Dans de tels cas, on voit qu’il serait intéressant de questionner ce fameux délai de prescription car la reconnaissance de leur statut de victime joue un rôle majeur dans leur reconstruction, et elle permet de travailler sur la résilience », pose Paule Maerten.

Construit en partenariat avec le tribunal judiciaire de Bastia, le Barreau, la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité, et plusieurs associations, la conférence de ce vendredi soir a ainsi permis à différents experts de défendre leur position sur l’instauration de l’imprescriptibilité. À l’instar du Dr Jean-Marc Ben Kemoun, pédopsychiatre, qui a notamment évoqué les mécanismes psychiques qui se mettent en place chez une victime et a détaillé en quoi l'imprescriptibilité est essentielle pour aider les victimes à pouvoir avancer. Face à lui des experts du droit tels que Me Benoît Bronzini de Caraffa, le bâtonnier de Bastia, Marie-Hélène Gozzi, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université de Corse, ou encore Dominique Sauves, substitute générale de la Cour d’appel de Bastia, ont pour leur part expliqué les rouages du droit qui pourraient bloquer une telle évolution. 

Loin d’être isolé, cet évènement destiné au grand public et retransmis sur les réseaux sociaux s’inscrit dans une continuité d’action de C3S. « En mai 2023, nous avions organisé un colloque sur les violences sexuelles faites aux mineurs, qui a été un petit peu reconnu comme étant un coup de pied dans la fourmilière, puisqu'il posait ce sujet pour en débattre et voir ce qui se passait chez nous en Corse », rappelle Paule Maerten en soulignant que si la situation n’est « ni pire ni mieux qu’ailleurs sur l’île ».  Depuis, les lignes commencent doucement à bouger. « Six mois plus tard, on a vu les effets sur le terrain. L’Aide sociale à l’enfance, l’Éducation nationale, les associations, la Collectivité de Corse, la préfecture… tout le monde s’est emparé du sujet, chacun à sa manière », se félicite la coordination de C3S, qui voit en cette dynamique collective un signal encourageant. Plus loin, du côté de la justice aussi, une volonté d’évolution se fait également sentir. « On voit qu’il y a une réelle volonté d'améliorer le parcours des victimes et de poser les vraies questions qui touchent directement la société civile », se réjouit encore Paule Maerten.