Les 14 et 15 juin, le village de Lumio accueille la dixième édition d’A Fiera di u Pane. Une foire ancrée dans le patrimoine rural et culinaire de la Balagne, où le pain devient prétexte à valoriser les savoir-faire, les liens intergénérationnels et les ressources locales.
À Lumio, le pain est bien plus qu’un aliment : il est mémoire, culture, lien social. Dans ce village de Balagne au passé agropastoral vivace, la Fiera di u Pane est devenue en dix ans un rendez-vous incontournable. Organisée par un comité de bénévoles structuré autour de Stéphanie Vuillamier, l’événement mobilise une trentaine d’exposants, des artisans, des boulangers et des producteurs venus de toute la Corse. Mais la foire ne se limite pas à la vente de produits. Elle propose au public une immersion dans les gestes et les récits d’autrefois, au cœur d’un patrimoine vivant. « A Fiera di u Pane est née du désir de mettre à l’honneur ce produit qui est la base de notre alimentation », explique Stéphanie Vuillamier. « Le pain raconte toute une histoire, de la semence à la table, et il permet de croiser des savoir-faire alimentaires et artisanaux. »
C’est en 2015 que la première édition voit le jour, portée par un constat : Lumio dispose d’un riche héritage rural, avec de nombreux fours anciens encore visibles dans le village. Le pain s’impose alors comme le symbole d’un projet global : « Le lien avec la commune allait de soi. Ici, le passé agricole est encore très présent. Des actions sont menées tout au long de l’année, notamment avec les scolaires, autour de la semence du blé et des pratiques paysannes anciennes. La foire en est le point d’orgue », précise la présidente du comité.
Une programmation familiale et participative
Cette 10e édition, qui se tiendra sur deux jours, affiche une programmation dense. Ateliers gratuits pour enfants, démonstrations de panification, conférences et visites guidées rythmeront le week-end. L’inauguration officielle aura lieu samedi à 12h30. Parmi les temps forts : la conférence du boulanger Jean José Mayol (Notre pain quotidien : de la tradition à la modernité), le samedi à 17h30. Il y partagera son savoir-faire, issu d’une longue tradition familiale, et insistera sur « l’importance du levain naturel, du temps long, et du respect de la terre ». Le dimanche à 17h30, une seconde conférence est prévue avec Gabriel de Jager Ottaviani, autour des pratiques collectives de gestion des terres en Corse, des circuli aux prese.
À côté des conférences, de nombreux ateliers permettent aux visiteurs de mettre la main à la pâte. Petits et grands peuvent s’inscrire pour fabriquer leur pain, encadrés par des professionnels. « L’idée, c’est que chacun reparte avec quelque chose de concret, un savoir, une pâte à pain, un souvenir. »
L’événement repose sur un équilibre assumé entre tradition et modernité. Le comité met en avant les métiers d’aujourd’hui sans négliger les techniques anciennes. Plusieurs boulangers partenaires ont ainsi été invités à créer des pains originaux, censés refléter « l’identité de l’île » dans leur forme et leur procédé de fabrication. Parmi eux : les boulangeries Spiga, L’Amadeus et La Boulangerie des Îles.
Si le MOF Gérald Biremont, partenaire historique de la foire, a pris sa retraite, d’autres figures montantes sont attendues, comme Hugo Guerin, responsable d’ouverture production chez Marie Blachère, ou encore Jean José Mayol, du Fournil Nostru Pane à Sartène, engagé dans une démarche de panification respectueuse des cycles naturels.
Une foire, un projet politique
A Fiera di u Pane ne se limite pas à la mise en valeur du patrimoine culinaire. Elle porte un projet de société : relier l’économie locale, le respect de la terre, l’éducation populaire et la transmission intergénérationnelle. Le tout en respectant le cahier des charges de la FFRAAC (Fédération des foires rurales agricoles et artisanales de Corse), qui valorise les foires comme outils de développement durable. « Notre credo, c’est savoir-faire et faire savoir », résume Stéphanie Vuillamier. « Nous voulons montrer qu’il est possible de bâtir du lien à partir d’un produit aussi simple et universel que le pain. Les anciens fours restent dans nos mémoires comme des lieux de vie, de partage, de transmission. C’est cette mémoire que nous voulons réactiver. »
Outre les exposants (boulangers, fromagers, potiers, couteliers…), la foire mise aussi sur la convivialité : deux apéritifs musicaux sont prévus avec les groupes Orizonte samedi soir et I Turchini dimanche. Quant aux visiteurs, ils sont invités à « se réapproprier leurs racines » et à découvrir « un village respectueux des ressources environnementales, socioculturelles et humaines ». « Le but n’est pas d’offrir notre culture, mais de la partager », conclut la présidente. À Lumio, le pain est une main tendue.