Alors que l’exploitation de la carrière de Brando, rachetée par le groupe Brandizi, doit débuter dans les prochaines semaines, l’association contre la carrière de "Petre Scritte" poursuit son combat pour empêcher son ouverture. L'association, qui regroupe 200 membres, a attaqué devant la justice administrative l’arrêté préfectoral autorisant l’exploitation. Elle dénonce une enquête publique « peu satisfaisante », des nuisances pour les riverains, une atteinte à l’environnement, et juge que « l’intérêt patrimonial » autour du renouveau de la pierre de Brando n’est qu’un prétexte pour relancer l’exploitation.
« Nous ne sommes pas des hurluberlus, ni des ayatollahs de l’écologie. Nous avons une conscience citoyenne. », explique William Bracconi, le secrétaire de l’association. Depuis près d’un an, avec les 200 membres de son collectif, il alerte sur les nuisances qu’entraînerait la réouverture de la carrière : environnement, trafic routier, ressource en eau, intérêt patrimonial, mais aussi les inquiétudes autour des poussières.
Pour l’association, qui a attaqué l’arrêté préfectoral du 28 octobre 2024, le problème se pose dès l’enquête publique.
« On estime que le dossier, les études d’impact, ne sont pas satisfaisants. On a l’impression que, dans les 1 000 pages, personne n’est venu sur place. On y décèle une méconnaissance de la zone. Pour nous, le dossier est insuffisant. Nous avons l’impression qu’aucun bureau d’études n’e s'est déplacé. »
« La pierre de Brando est un prétexte pour exploiter la carrière »
William Bracconi va plus loin dans son argumentaire. Pour lui, la mise en avant de la pierre de Brando ne serait qu’un alibi utilisé par le groupe pour justifier le projet. « Le groupe Brandizi appuie sa démarche sur l’intérêt public. On nous présente un projet patrimonial pour relancer la filière de la pierre de Brando comme principale justification. Mais, au vu des chiffres – 200 000 tonnes par an – ce sera principalement de l’agrégat. La pierre de Brando n’est qu’un prétexte. » L’association explique s’appuyer sur l’histoire du site.
« En 2002, nous avons vu le groupe Vendasi arrêter l’exploitation de la pierre de Brando. On ne dit pas qu’il n’y a plus de pierre, mais le coût de production local ne peut pas rivaliser avec la concurrence. Pour être rentable, le groupe Brandizi devra produire de l’enrochement. On parle de continuité, de reprise, mais l’ancienne carrière sortait 140 000 tonnes par an. Aujourd’hui, on vise 200 000 tonnes, et le site pourra aussi accueillir 10 000 tonnes de gravats du bâtiment dans le cadre d’une activité de recyclerie. »
Pour les membres du collectif, il ne s’agit donc pas d’une reprise, mais d’une nouvelle activité avec un changement d’échelle. Pour l'association, il s'agit d'un « tour de passe-passe » et une « escroquerie intellectuelle ».
Environnement, réseau routier, ressource en eau…
L’association interpelle également sur les nuisances pour les habitations, situées à seulement 600 mètres à vol d’oiseau.
Elle pointe d’abord l’atteinte à l’environnement. Selon elle, les études sur les poussières n’ont pas été assez poussées. « On nous dit qu’il y a de l’amiante partout dans le Cap Corse, sauf autour de cette carrière de 9 hectares, sauf à deux ou trois points qui vont être neutralisés », explique William Bracconi. Il évoque aussi « le problème de la silice, une poussière fine et grise qui pénètre dans les poumons. Nous n’avons aucune étude sur les poussières. » Et, pour les opposants au projet, cela est source « d’une grande inquiétude », évoquant « un gros problème sanitaire ».
L’association dénonce également l’impact sur le réseau routier et la gestion de l’eau.« Entre 60 et 80 camions circuleront chaque jour, 175 jours par an », explique William Bracconi. Selon lui, le groupe Brandizi sous-estime le nombre de camions qui vont transiter sur la RD 80.
Les opposants évoquent des risques pour la circulation et d’éventuels affaissements de chaussée à certains endroits déjà repérés. « On voit déjà des affaissements au niveau de la route à proximité de la mer. On nous dit qu’il y a déjà des camions qui passent, mais là, on va en rajouter. »
Les détracteurs de la carrière mettent aussi en avant le caractère de cette route qui longe des écoles ou encore des résidences.
Concernant l’eau, le collectif alerte. « On nous parle depuis des années du problème de l’eau dans le Cap Corse. On nous dit d’abord qu’il n’y a pas d’eau autour de la carrière implantée au lieu-dit “Acque Mezzane”, puis que le groupe Brandizi utilisera uniquement l’eau de pluie pour nettoyer les camions et asperger les pistes afin de limiter la propagation de la silice dans l’environnement. L’eau va servir à asperger autour de la carrière pour que la silice ne se propage pas. Autour de celle-ci, le maquis est gris. » Pour eux, cela revient à sacrifier une ressource. « On se prive volontairement d’une ressource en eau. Et cela n’apparaît pas dans l’enquête publique. »
Pour l’association, l’eau ne pourra de toute façon plus être utilisée. « Nous partons pour 30 ans, et on nous dit que dans les décennies à venir, l’eau sera une problématique de plus en plus importante dans le Cap Corse. »
« L’intérêt public majeur n’y est pas et doit être démontré »
Pour son secrétaire, William Bracconi « la raison impérative d’intérêt majeur n’est pas démontrée et ne peut justifier une dérogation en ce qui concerne les espèces protégées. »
Et c’est la principale contestation des opposants « On va vous donner le droit de dégrader l’environnement en prenant des précautions. C’est ce que nous contestons. Au niveau environnemental, le groupe Brandizi fait ce que l’arrêté préfectoral lui demande de faire. »
William Bracconi, qui affûte ses arguments en vue d’un prochain recours devant le tribunal administratif pour attaquer l’arrêté préfectoral, dénonce encore et, in fine, "une décision de réouverture de la carrière prise par la mairie de Brando, sans concertation avec la population et sans projet validé au moment des élections. »
Affaire à suivre...