Centre de tri de Monte : à l’Assemblée de Corse, Paul-Félix Benedetti dénonce une lettre "inacceptable" du maire

Written on 04/25/2025
VL

Jeudi 24 avril, lors de la session de l’Assemblée de Corse, le président du groupe Core in Fronte a révélé avoir reçu un courrier comportant selon lui des menaces et insultes, signé du maire de Monte. La lettre fait suite à la vive polémique suscitée par l’opposition du leader de Core in Fronte au projet de centre de tri porté par le Syvadec sur la commune.

Photo Paule Santoni

L’ambiance, déjà tendue depuis les débats de mars sur le projet de centre de tri de Monte, a connu un nouvel épisode ce jeudi à l’Assemblée de Corse. Paul-Félix Benedetti, président du groupe Core in Fronte, a pris la parole pour dénoncer le contenu d’un courrier envoyé par le maire de Monte, Jean-François Mattei. Il a décidé de remettre ce document à Hyacinthe Vanni, qui présidait la séance en l’absence de Marie-Antoinette Maupertuis.

« J’ai reçu une lettre du maire de Monte adressée au groupe Core in Fronte », a-t-il déclaré en séance. « Ce n’est pas le fait de recevoir un courrier du maire qui est choquant », a-t-il déclaré à la tribune. « Mais les propos, les menaces et les insultes qui y figurent ne sont pas acceptables ». Refusant d’en lire le contenu pour « ne pas ajouter de l’huile sur le feu », le président de Core in Fronte a tout de même déposé la lettre sur le bureau de Hyacinthe Vanni, qui présidait l’Assemblée en l’absence de Marie-Antoinette Maupertuis, et a autorisé tout président de groupe à la consulter.

Lettre polémique et accusations graves
Dans cette lettre que Corse Net Infos a pu consulter, le maire de Monte, Jean-François Mattei, accuse Paul-Félix Benedetti de récupération politique en lien avec l’hommage rendu à Pierre Alessandri, lors d’une manifestation contre le centre de tri organisée le 15 mars par Core in Fronte, des riverains et le collectif A piahja di u Golu« Vous vous êtes servi de l’assassinat d’un homme pour justifier votre combat contre le CTV de Monte, affiches à l’appui. [...] Ces associations d’idées, d’images [...] relèvent de l’infamie, de la crapulerie et je dirais même de la saloperie ! », écrit-il, en soulignant que « l’on ne parle plus d’idéologie ».

Le maire de Monte critique également la tonalité d’ensemble de la contestation du projet, y voyant « des divagations et exagérations »visant à inquiéter les populations, notamment à travers l’évocation hypothétique d’un futur incinérateur ou d’un traitement de déchets venus du continent. Il écrit que ces discours participent d’un « taux de mensonges tolérable dans ce genre d’opérations de désinformation », tout en notant que « les gens de Monte encore moins » ne semblent mobilisés.

L'élu fait un lien explicite avec les actions récentes contre les structures mafieuses en Corse, estimant que le contexte est marqué par « un nouveau “Me Too” antimafia contestable, plus par les gens qui le portent que par la cause en elle-même », et reproche à Paul-Félix Benedetti de « défiler fièrement derrière eux ». Il affirme que le dépôt de plainte ayant conduit à l’ouverture d’une enquête du Parquet national financier « a été multiplié de chefs d’inculpation dans l’espoir de trouver une accroche », et associe cette stratégie à une forme de « délation [...] légale mais immorale ». Il va jusqu’à comparer l’attitude du mouvement indépendantiste à celle de « ceux qui servaient le café aux chemises noires et les dénonçaient ».

Jean-François Mattei affirme que le Syvadec « n’a jamais été autant légitime », rappelant que l’adhésion du Fiumorbu lui permettra de couvrir « 100 % des administrés ». Il accuse Paul-Félix Benedetti de se placer « encore une fois à contre-courant de la volonté populaire », et vise directement les collectifs mobilisés, les qualifiant de « haineux, aigris, éternellement recalés par le suffrage universel ». Il ajoute que « ni lui, ni les élus, ni les agents du Syvadec n’ont de leçons de morale à recevoir ».

Il reproche également à l’élu indépendantiste son comportement lors d’un débat à l’Assemblée de Corse, après une question posée par la conseillère Battestini. Il estime sa réaction « choquante et outrancière », et évoque une forme de populisme qu’il juge préoccupante. Il met enfin en garde contre « ces pratiques couramment appelées “poussettes” chez nous », affirmant qu’elles ont « engendré de nombreux malheurs », et prévient qu’en cas de récidive, il se réservera le droit de répondre « par conférence de presse ». Jean-François Mattei conclut son courrier en évoquant la mémoire de Pascal Paoli et en adressant une dernière formule à son interlocuteur : « Vous avez opté pour le côté obscur de la ghjustizzia paolina. [...] De par l’amitié que je vous conserve, je ne vous souhaite pas de finir comme Robespierre ».

Un appel à la modération
Sans commenter en détail les accusations, Paul-Félix Benedetti a insisté jeudi sur la nécessité du respect dans le débat public : « Quand on est contre un projet, on n’est jamais contre un homme ou une commune, mais contre des faits ». Il a aussi rappelé que son groupe politique avait agi dans le cadre institutionnel, avec une question orale déposée lors de la session précédente, et dans le respect de la mémoire de Pierre Alessandri. « Elle mérite une réponse politique », a-t-il ajouté à propos de la lettre, « car il y a une courtoisie réglementaire entre élus. En Corse, on peut avoir des mots, mais il faut savoir les peser, surtout quand on écrit ».

Hyacinthe Vanni appelle à l’apaisement
Présidant la séance en l’absence de Marie-Antoinette Maupertuis, Hyacinthe Vanni a pris la parole pour saluer la démarche de Benedetti et rappeler les principes de respect entre élus : « Ici, on peut avoir des mots, des différences et des désaccords, mais nous sommes tous amis et nous nous respectons tous. [...] Gardons la tête froide et évitons de rajouter de la confusion à la confusion qui est déjà assez importante. Que tout le monde revienne à la raison. » Il a confirmé qu’il transmettrait la lettre à la présidente de l’Assemblée, tout en réaffirmant sa propre opposition au projet de centre de tri :
« Je suis également contre le projet de Monte, je me suis exprimé dans l’hémicycle. Cela m’a valu, par personnes interposées, un certain nombre de remarques. Vous avez tout mon soutien. »