En Haute-Corse, près de 20 % des demandeurs d’emploi ont plus de 50 ans. Si certaines entreprises recherchent activement des seniors pour leur expertise et leur stabilité, d’autres restent réticentes, freinant leur accès à l’emploi. Pour faire face à ces défis, institutions et entreprises se mobilisent et cherchent à casser les stéréotypes liés à l’âge.
En Haute-Corse, le vieillissement de la population rebat les cartes du marché du travail et des opportunités professionnelles. Aujourd’hui, près de 20 % des demandeurs d’emploi ont plus de 50 ans, un public parfois écarté des opportunités malgré son expérience.
Pour faire face à cette situation, la DDETSPP de Haute-Corse, la CCI de Corse, France Travail, le club Les entreprises s’engagent, le MEDEF et l’ANDRH (Association nationale des DRH), ont organisé une matinée d’échanges dans le cadre de l’initiative nationale Emploi des 50+, portée par le ministère du Travail. Un événement qui s’est articulé autour de deux tables rondes : Comment recruter des collaborateurs de plus de 50 ans ? et Comment maintenir ces profils en emploi ?.
« Il y a des enjeux très importants, de pouvoir trouver un emploi pour l'ensemble des seniors, mais aussi de valoriser leurs compétences et leur parcours », explique Gaël Mordant-Desanti, adjoint du service accès à l'emploi et accompagnement des entreprises à la DDETSPP (Direction Départementale de l'Emploi, du Travail, des Solidarités et de la Protection des Populations).
Lors de la table ronde, certaines entreprises ont témoigné des pratiques mises en place pour recruter les salariés expérimentés, à l’instar de Corsica Linea, dont les plus de 50 ans représentent « plus de 35 % » de leurs salariés. « Dans les postes qui demandent une forte expertise, notamment dans les métiers techniques sur nos navires, on va cibler des personnes de plus de 40 ans », souligne Agnès Llovera, directrice des ressources humaines chez Corsica Linea. « On a vraiment une volonté d'intégrer des personnes avec de l'expérience sur des postes stratégiques, et en même temps, ils ont aussi un rôle d'accompagner les plus jeunes. Ensuite, à l'intérieur de l'entreprise, on a un programme de maintien dans l'emploi des personnes de plus de 50 ans où on essaie de mettre en place des actions avec les partenaires sociaux pour avoir une mise en place de tutorat pour assurer les plans de succession sur des postes importants. »
Briser les stéréotypes pour mieux intégrer les seniors
Malgré les initiatives mises en place par certaines entreprises, trouver un emploi reste un défi pour de nombreux seniors. Lors de la table ronde, Michel Baudiment, 61 ans, a exprimé ses difficultés à trouver un emploi. « Je suis à la recherche d’un travail depuis deux ans. J’ai envoyé des CV partout, j’ai même tenté un envoi de candidatures sur le continent, mais je n’ai eu que deux entretiens sur plus de 300 demandes. Je ne sais pas si mon CV effraie, j’ai du mal à comprendre ce qui bloque. Est-ce que c’est mon âge ? » Si certaines entreprises recherchent des seniors, d’autres sont en effet toujours réticentes « avec une vision parfois un peu négative des seniors qui seraient moins dynamiques, ce qui n'est pas tout à fait vrai ».
Pour répondre à ces défis, les acteurs de l’emploi multiplient les initiatives visant à sensibiliser les recruteurs et à valoriser les compétences des seniors. « Il est très important de pouvoir mobiliser davantage les entreprises pour ouvrir leurs portes à cette typologie de public en faisant comprendre qu’elle a des compétences et qu’elle est prête à travailler », détaille Virginie Baudouin, directrice territoriale de France Travail. « On propose des immersions dans les entreprises, et on va aussi beaucoup travailler avec les entreprises sur les stéréotypes liés à l'âge. On ajoute aussi des modalités de recrutement qui sont un peu différentes et qui mettent l'accent sur des capacités, des savoir-être plutôt que sur un CV en bonne et due forme. On va aussi utiliser les valeurs du sport pour faire en sorte que les entreprises et les seniors se rencontrent dans des exercices dans l'anonymat le plus total pour découvrir à la fin qu'on a identifié de vraies valeurs chez certaines personnes et qu'on a envie de les recruter quel que soit leur âge. »
Selon Gaël Mordant-Desanti, la réussite du maintien et du recrutement des seniors passe aussi par une adaptation des pratiques en entreprise. « On a des seniors qui souhaitent continuer à exercer leur activité comme avant, mais on a aussi des seniors qui sont peut-être un peu fatigués et usés par le travail. L'entreprise gagnerait peut-être à trouver des adaptations, à modifier certaines missions mais à en confier des nouvelles, par exemple sur le tutorat avec les jeunes, un rôle plus d'expert ou de conseil, et peut-être un peu moins sur le terrain. » Du côté des entreprises, il est nécessaire de « faire tomber les stéréotypes ». « Sur une île comme la nôtre, je pense qu'on a vraiment un beau vivier de seniors qui acceptent aussi d'avoir des niveaux de rémunération légèrement en-dessous par rapport au continent parce qu’ils ont déjà construit leur vie, ils ont moins de charges quotidiennes, ce qui n'est pas le cas des plus jeunes qui sont plus friands d'avoir des salaires plus élevés. Pour nous, c'est un vrai intérêt », précise Agnès Llovera, qui souligne qu’actuellement, sur les trois ouvertures de poste au sein de Corsica Linea, tous ont entre 48 et 55 ans.