Invitée de cette 2e édition de Camera Pulitica, la réalisatrice Anne Fontaine était présente jeudi soir au Spaziu Culturale Carlu Rocchi pour la projection de son film « Présidents ». Elle sera aussi intervenante au collège de Biguglia ce vendredi dans le cadre de Masterclass sur le thème « Les dangers qui menacent la citoyenneté ». CNI l’a rencontrée.
Anne Fontaine est une pointure dans le monde du 7e art avec une vingtaine de films en tant que réalisatrice comme « Les histoires d’amour finissent mal », « Coco avant Chanel », « Perfect Mothers », « Marvin ou la belle éducation »… « Présidents » sorti en 2021. Dans ce film, à l’affiche de Camera Pulitica, Nicolas, un ancien président de la République, supporte mal l’arrêt de sa vie politique. Il part donc en Corrèze pour convaincre François, un autre ancien président, de faire équipe avec lui pour faire barrage au « péril fasciste ».
- Anne Fontaine, qu'est-ce qui vous a incité à honorer l'invitation des organisateurs ?
- L'idée de ce film ?
- Un film à la fois politique, une satire, une comédie ?
- Dans le casting, Jean Dujardin, notamment, sur quels critères s'est-il fait ?
- Des personnages que vous faites sortir de leur posture politique ?
- Un tournage en plein COVID, cela a-t-il eu une incidence sur le tournage ?
- Ce festival Camera Pulitica favorise la rencontre avec les scolaires…
- Votre dernier film, Bolero, un tout autre sujet..
- Un autre film en projet ?
- Anne Fontaine, qu'est-ce qui vous a incité à honorer l'invitation des organisateurs ?
- C'est assez rare un film comme Présidents, où il y a deux présidents de la République qui sont ensemble au chômage. Et donc je trouvais que l'occasion était bonne de venir le présenter puisque ce festival a comme particularité d'insister sur le rapport politique. Et là, dans ce film, c'est une façon très différente de faire de la politique, évidemment.
- L'idée de ce film ?
- L’idée est venue en observant les hommes politiques, leur personnalité, leur absurdité aussi, leur côté infantile. J'ai toujours regardé les hommes politiques aussi comme des caractères, comme des personnages d'une pièce de théâtre. Et donc, j'ai eu envie de se faire confronter ces deux hommes qui sont tellement différents dans leur personnalité et qui ont un point commun, c'est qu'ils ont été au pouvoir. Et le pouvoir c'est quelque chose d'inimaginable. C'est d'une force, d'un narcissisme, d'une violence à vivre, j'imagine. Et là, tout d'un coup, ils sont laissés à eux-mêmes, ils n'ont plus de travail. Ils promènent un chien, ils sont dans des attitudes très basiques de la vie, très quotidiennes. Et peut-être qu'ils vont apprendre quelque chose l'un de l'autre.
- Un film à la fois politique, une satire, une comédie ?
- C'est une comédie humaine. Et comme toujours, les comédies dites intelligentes sont créées sur de la vérité humaine et sur quelque chose de dramatique en même temps. Parce que finalement, on se dit, on a été dirigé par ces hommes-là. Ça questionne.
- Dans le casting, Jean Dujardin, notamment, sur quels critères s'est-il fait ?
- Un critère d'excellence. Pour jouer Nicolas Sarkozy, il ne fallait pas qu'il lui ressemble physiquement pour ne pas être dans une imitation littérale mais avoir la rythmique, l'éthique. Et Jean a cette fantaisie. Jean Dujardin a cette fantaisie de restituer la dérision de ses personnages. Grégory Gadebois, je le connaissais car j'avais tourné avec lui un film qui s'appelle Marvin. C'est un des acteurs extraordinaires du cinéma français.
- Des personnages que vous faites sortir de leur posture politique ?
-Ils ne sont plus en exercice. Ils n'ont plus de cabinet, ils ont laissé leur bande dessinée dans un endroit en cachette à l'Elysée. Mais ils peuvent partager une expérience commune d'un point de vue des rituels. Ce n'est pas de l'idéologie, c'est d'être président de la République. Il n'y a pas beaucoup de gens qui vivent cette expérience. Et l'idée c'était aussi de voir comment ils pouvaient se rapprocher tout en étant étanches l'un à l'autre, tout en trouvant que l'autre est aberrant. Ce qui est intéressant c'est de voir comment ils cachent à l'autre le fait qu'ils ont été malmenés par Macron. J'ai essayé de donner aussi une poésie dans le fait qu'ils sont à la campagne, avec des ânes, des végétaux, et que finalement ces deux hommes arrivent à chanter ensemble une chanson de pop.
- Un tournage en plein COVID, cela a-t-il eu une incidence sur le tournage ?
- Oui, on riait beaucoup. D'abord on était dans une région, la Corrèze, qui est vraiment une région merveilleuse de la France, très belle, les gens sont très chaleureux. Toutes les semaines on se faisait tous contrôler. C'était un truc incroyable, il y avait une tente, des infirmières et toute l'équipe …. 40 personnes. On passait tous à la prise de sang et certains qui l'ont attrapé. Je priais pour que ni Jean Dujardin ni Grégory Gadebois l'aient. C’était comme si on était seul au monde. Les avions ne décollaient pas, tout était à l'arrêt au début, avant que ce soit dramatique. C’était comme un film surnaturel.
- Ce festival Camera Pulitica favorise la rencontre avec les scolaires…
- Ce qui est intéressant c'est d'écouter, parler de ce qu'ils vivent, de la perception qu'ils ont. La politique c'est tout. Je trouve que la politique ce n'est pas uniquement de se dire qu'il y a un tel qui représente tel parti. C'est une vision du monde, un élargissement. Si c'est pour parler d'un tel qui va peut-être dépasser un tel, c'est tellement minable. Il y a des aspects de la politique tellement bêtes. Je ne dirai pas qui, mais il y en a pas mal, assez pathétiques, de mauvais acteurs qui disent des mauvais textes.
- Votre dernier film, Bolero, un tout autre sujet..
- Heureusement, je n'ai pas passé ma vie avec des présidents. Je pense que la musique donne une métaphysique de l'existence, surtout Ravel qui est un personnage magnifique. La comédie c'est souvent du drame inversé. C'est difficile la comédie. Il y a l'ambition de faire sourire ou rire. Souvent je vais voir une comédie et je ne ris pas du tout. Ils me forcent à rire mais ça ne va pas car il faut que ça arrive de manière subtile. Faire rire est une vraie émotion. Quand vous faites une comédie, vous ne savez pas si les gens vont rire.
- Un autre film en projet ?
- C'est une drôle de question. Bien sûr ! J'ai en préparation un film qui va se passer dans les années 1960. Le personnage principal est une tueuse à gages jouée par Isabelle Huppert. Et le commanditaire est jouée par Benoît Poelvoorde. J'avais déjà tourné une comédie avec ce couple qui s'appelait Mon pire cauchemar. Là, c'est un thriller adapté d’une œuvre de l'écrivain Pierre Lemaitre, prix Goncourt avec Au revoir là-haut. Un thriller complètement déjanté avec de la cruauté, du comique. Un mélange bien complexe.