Ajaccio : Dans les coulisses d’un exercice d’évacuation de ressortissants à bord de la frégate "Forbin"

Written on 11/21/2025
Alba Marcelli

Ce vendredi matin, la frégate de défense aérienne "Forbin" de la Marine nationale a été accueillie par la base navale d'Aspretto pour mener un exercice REVESAC, exercice d'évacuation de ressortissants. Plus de 40 élèves ajacciens ont participé à l'entraînement, dans le rôle des ressortissants. Immersion dans les coulisses de l'exercice.

Tôt ce vendredi matin, le golfe d'Ajaccio a vu arriver la frégate Forbin, ce géant des mers, gris, de plus de 150 mètres de long. Cette unité de la Marine nationale peut être amenée, dans le cadre de ses missions, à intervenir sur des opérations d'évacuation de ressortissants. Ces opérations de sécurité consistent à protéger des ressortissants résidant à l'étranger en les évacuant d'une zone présentant une menace imminente.

Pour cet exercice, tout l'équipage du navire était mobilisé, soit plus de 190 marins. Leur mission du jour ? Mener un exercice d'évacuation de ressortissants entre la base d'Aspretto et le Forbin amarré dans le golfe.
Objectif ? "S'entraîner pour être prêt le jour J" indiquait Cédric, second maître, âgé de 23 ans, de la brigade de protection qui assurait sur l'exercice la sécurité du site d'embarquement. Pour l'unité, cet exercice correspond à une période d'entraînement avant de repartir en mission en début d'année. Mener l'exercice au cœur d'un nouveau site permet aux marins de s'entraîner dans un autre contexte. 

Évacuer les ressortissants vers un lieu sûr

"Nous avons travaillé à réunir tous les figurants nécessaires pour pouvoir dérouler l'exercice" explique le Capitaine de vaisseau et Commandant de la base d'Aspretto Régis de Cacqueray. "Nous mettons à disposition l'espace et ensuite, c'est la frégate qui vient s'entraîner à cette mission spécifique d'évacuation des ressortissants. C'est une des missions qui peut être confiée à la Marine et aux Armées en général. On imagine un pays en crise sécuritaire (guerre, dégradation de la sécurité) ou des crises de type climatique. Le Gouvernement décide de mettre à disposition des ressortissants français qui sont là-bas, un dispositif d'évacuation." Quand les ressortissants n'ont plus la possibilité de quitter le pays (aéroports fermés, compagnies maritimes à l'arrêt) "on envoie les Armées pour permettre à nos concitoyens de quitter le pays et de regagner un lieu sûr. On va envoyer un des navires de la Marine choisie en fonction de la situation aux alentours. Plus la situation est mauvaise, plus il faudra un navire armé et capable de répondre au volume de ressortissants à évacuer - "Le " peut lui accueillir jusqu'à 500 ressortissants - C'est pour cela que ce genre d'actions s'appuie sur l'action consulaire (...) À partir de là, on va envoyer le bateau qui va s'efforcer d'abord de sécuriser une zone à terre pour recueillir nos citoyens. Il va falloir les prendre en compte, les rassurer (...) il peut y avoir des familles avec de jeunes enfants, des gens en détresse médicale. Il faut s'assurer que parmi eux ne se glissent pas des gens mal intentionnés et ensuite procéder à l'évacuation, les prendre à bord et les évacuer vers un point de recueil le plus proche possible (...)" à terre ou sur un autre navire mieux équipé médicalement, par exemple.
"La frégate Fortin est une frégate de défense aérienne, mais cette mission plus spécifique fait partie des missions qu'elle peut être amenée à faire, donc elle s'entraîne." Chaque bateau doit périodiquement s'entraîner à cette mission. Au moins un bateau vient s'entraîner à Ajaccio chaque année. "Pour nous, c'est une occasion de faire découvrir aux jeunes que nous évacuons ce matin ce qu'est un bateau de la Marine nationale, un bateau de guerre, ce type d'opération" poursuit le Commandant de la base d'Aspretto.

Sur le Forbin, le Capitaine de vaisseau et Commandant de la Frégate suit l'exercice. Son équipage s'entraîne au moins une fois par an à ce type d'exercice, "pour pouvoir remettre dans la tête de tout le monde son rôle, comment les chaînes vont pouvoir à bord s'engrainer". Lors de véritables opérations d'évacuation, l'équipage pourra être amené à accompagner des ressortissants pris de panique, qui auront tout perdu, c'est pourquoi l'exercice leur permet également de s'entraîner "à gérer tous ces cas qui pourraient nous arriver (...)

Au cœur de l'exercice : 40 élèves ajacciens dans le rôle des ressortissants

Pour cet exercice, la frégate avait pour mission d'évacuer 40 ressortissants. Une quarantaine d'élèves des collèges Laetitia et Stilettu et les élèves de première année de BTS Maintenance des Systèmes énergétiques et fluidiques au LP Jules Antonini, a joué le rôle des ressortissants, avec un scénario. "On est dans un pays considéré comme étranger. On a toujours un Consul qui vient rassembler la population, un état de menace qui reste quand même relativement faible et une évacuation d'environ un peu moins d'une cinquantaine de personnes." Une femme enceinte, un homme armé, un ressortissant en attaque de panique, un blessé joué par un élève faisaient partie du scénario.

L'entraînement a débuté sur la base navale où se situait le dispositif à terre. La base était le site d'embarquement. Les élèves se sont pliés à l'exercice et ont suivi les consignes en conditions réelles.
L'exercice a débuté au son du microphone : "Nous vous demandons d'être patients ici. On va commencer à vous guider par petits groupes vers le dispositif qui est derrière moi, qui va commencer par effectuer des palpations de sécurité pour vérifier que vous n'avez rien de dangereux sur vous, qui va prendre vos bagages et vos téléphones. Tout va être enregistré, ça sera associé à un numéro qui vous suivra pendant tout votre circuit d'embarquement et ensuite, vous serez guidés vers des embarcations pour rejoindre la frégate française qui se trouve juste à quelques encablures au large. Tout ceci est fait pour assurer votre sécurité, toutes les formalités que vous allez suivre, c'est pour votre sécurité. Restez bien dans le calme, on vous demande d'obéir aux consignes qui vous seront données. Vous restez groupés. S'il y a un problème de santé, médical, vous vous signalez. Toutes les équipes médicales sont disposées et prêtes pour vous. Vous suivez les consignes. Nous sommes en lien avec le Consul. N'hésitez pas à lui signaler tout problème que vous pourriez rencontrer".
Les mots étaient rassurants, l'exercice s'est déroulé dans le calme mais on pouvait imaginer derrière l'exercice la réalité d'une véritable évacuation : l'angoisse, la peur, des ressortissants parfois blessés, des familles quittant un pays dans l'urgence et laissant derrière elles un morceau de vie, s'éloignant d'une terre qu'elles ne reverront sans doute jamais.

Après ces mots d'accueil, les ressortissants appelés aussi "postrons" avançaient sur le site d'embarquement sécurisé par la brigade de protection.
Direction le contrôle : fouille, enregistrement, contrôle d'identité et enregistrement des bagages. "Il faut imaginer que sur ce genre de mission, dans un port lambda, on peut se retrouver dans une situation extrêmement désordonnée, avec énormément de monde sur les quais, sans contrôle. La dimension filtrage est importante pour ne pas embarquer des gens indésirables".

Les scolaires ont enfilé des gilets de sauvetage conséquents et sont montés à bord de zodiac pour rejoindre le Forbin. Les petites embarcations, comme les bateaux-pilotes, s'approchent au maximum du Forbin pour faire monter à bord les ressortissants, par une porte. Une fois à bord, ce n'est pas le bateau croisière. On ne va pas se précipiter sur le pont pour contempler la vue ou visiter le navire. L'équipage accueille les ressortissants. De nouveaux contrôles sont effectués. Puis l'ensemble des élèves a été accueilli dans une salle pour un temps de repos. 

Il n'était pas présent sur l'exercice mais la frégate part accompagnée d'un hélicoptère à chaque mission. L'hélicoptère permet notamment de transporter des blessés depuis le dispositif à terre jusqu'à la frégate. Michel-Ange Odene, élève en BTS au LP Jules Antonini, s'est prêté au jeu du blessé. Bandages, perfusions, brancardé... l'exercice frisait la réalité. L'équipe médicale a pris en charge le jeune blessé pour l'acheminer jusqu'à l'infirmerie. "Le Forbin est le premier échelon, les ressortissants vont être acheminés soit à terre soit sur un bateau militaire avec des capacités hospitalières plus importantes."
Les 12 élèves de BTS du LP Jules Antonini ont pu également, lors de cet exercice sur le Forbin, étudier les systèmes énergétiques et fludiques du navire. Au delà de la portée pédagogique, "c'est quelque chose d'assez impressionnant, avec tout le système mis en place. Participer à cet exercice, c'est bien pour la cohésion de classe et ça sort du cadre scolaire" confiait Mattéo, élève en 1ère année de BTS.

Évidemment, tout cela était fictif. Et c'est avec un petit pincement que nous avons quitté le Forbin, ce géant sauveur, sûrement parce que nous nous y sentions en sécurité. Par chance, à la fin de l'exercice, nous avons regagné la terre. Les vrais ressortissants, eux, ne reverront jamais le pays qu'ils ont quitté. Mais Forbin les aura sauvé.