Les Corses et la sexualité (2/5) : le couple

Written on 12/01/2025
Christophe Giudicelli

Pour ce deuxième volet, Corse Net Infos poursuit son exploration de la sexualité des Corses en s’intéressant cette fois au couple insulaire. Loin des clichés de virilité, de jalousie ou de caractère, comment évoluent réellement les relations amoureuses en Corse ? Entre traditions, modernité, communication, désir et infidélité, nous faisons le point avec Laurélène Cavallini-Negrel, sexothérapeute à Porto-Vecchio et Sartène, et Anaïs Mattei, sexothérapeute à Bastia.

Les Corses et la sexualité (2/5) : le couple (Photographie: Elisa Timotei exposition: "l'amour dur.e)

Les stéréotypes présentent l’homme corse comme viril, jaloux, voire un peu macho ; la femme, quant à elle, serait fière et dotée de caractère. Pour nos deux sexothérapeutes, le couple corse est pourtant bien loin de ces clichés.

Pour Laurélène Cavallini-Negrel, le couple corse évolue avec son époque : « Il est traversé par deux forces : un attachement fort aux traditions et, en même temps, une ouverture croissante aux codes modernes, l’égalité, le couple recomposé, l’influence du numérique et les applications de rencontre. »

Sans faire de généralités, les partenaires seraient plus exigeants, explique Anaïs Mattei : « On retrouve une génération qui s’en va, qui rompt sans toujours régler les choses. » Mais elle nuance aussitôt : « Il y a aussi davantage d’exigence dans ce que l’on attend du couple. On a vu les couples d’avant, on ne veut pas leur ressembler. On veut un couple plus ouvert, plus compréhensif. »

Un couple plus ouvert, mais pas sans difficultés

Un couple plus ouvert et plus compréhensif, certes, mais loin d’être exempt de problématiques. Les couples corses sont nombreux à pousser la porte des cabinets : « Les problématiques les plus fréquentes sont la mésentente et une communication qui ne passe pas. Ils disent la même chose, mais se disputent sur le même sujet sans se comprendre. À nous de traduire. On retrouve aussi les différences de désir, qui créent de la frustration. Et puis les couples au bord de la rupture », explique Laurélène Cavallini-Negrel. D’autres motifs existent également, ajoute Anaïs Mattei : « Ce sont les troubles et les dysfonctions : vaginisme, dysfonctions érectiles, éjaculation précoce. »  Des situations qui impactent forcément la vie sexuelle des Corses.

Une étude nationale menée en 2024 par l’Ifop révèle une baisse de la fréquence des rapports sexuels : 76 % des Français déclaraient avoir eu un rapport dans les douze derniers mois, contre 89 % en 2006. En 2024, 43 % affirmaient faire l’amour une fois par semaine, contre 58 % cinq ans plus tôt. « C’est aussi le cas en Italie, si l’on veut rester dans la même aire culturelle. Les enquêtes montrent une baisse de l’activité sexuelle chez les jeunes et les personnes en couple », précise Laurélène Cavallini-Negrel. Elle note toutefois une sexualité « moins centrée sur la pénétration, avec davantage de jeux érotiques, et plus active après 50 ans ».

Pourquoi cette baisse ?
La sexothérapeute de Porto-Vecchio avance trois grandes causes : « L’omniprésence du numérique, qui grignote le temps d’intimité car on discute moins, on partage moins de moments ensemble. La fatigue, la routine, la charge mentale, qu’il faut ranger dans la case “travail”. Et puis le manque de communication sur les attentes entre partenaires. »
Une charge mentale qui pèse davantage sur les femmes, rappelle Anaïs Mattei :« Le ménage, s’occuper des enfants… après, on n’a pas forcément envie. » Elle évoque également un mouvement de fond : « Avec Me Too, I Was et d’autres mouvements, les gens ont appris à se mettre des limites. On ne trouve pas toujours quelqu’un en accord avec ce que l’on souhaite. »

Que faire pour sortir de l’impasse ?
Pour les deux sexothérapeutes, la clé essentielle reste la communication : « Le conseil, c’est de discuter. Arrêter de s’écouter pour répondre, mais écouter vraiment. Il faut reformuler. Écouter pour répondre ne fait pas avancer », insiste Laurélène Cavallini-Negrel.
 
L’infidélité : un sujet sensible

Autre problématique fréquente : l’infidélité. Selon l’Ifop, près d’un homme sur deux et une femme sur trois avouent avoir été infidèles. Mais où commence-t-elle réellement ?
« Beaucoup de couples consultent pour ce motif. L’infidélité reste une valeur très forte ici. Elle peut être sexuelle ou émotionnelle. Certains couples tentent de redéfinir leurs règles », explique Laurélène Cavallini-Negrel.

Elle précise : « C’est un curseur très personnel. Pour certains, échanger des messages avec quelqu’un d’autre relève déjà de l’infidélité émotionnelle. Pour d’autres, c’est uniquement un rapport sexuel. J’encourage les couples à poser un cadre, non pas définir ce que l’on a “le droit” de faire, mais ce qui constitue l’infidélité pour chacun. »
Anaïs Mattei évoque de son côté « une certaine banalisation de l’infidélité », sans pour autant en faire une règle : « Certains disent : ‘Ce n’est rien, ce n’est que du sexe’. Et pourtant, je vois des couples infidèles qui ne veulent pas se séparer, parce qu’ils ont construit quelque chose. » Y a-t-il plus d’infidélité en Corse ? Saison estivale, sorties, cadre romantique ?
« Je ne pense pas », juge Laurélène Cavallini-Negrel. Mais elle alerte : « À l’inverse, nous sommes sur une île où tout se sait. La trahison peut avoir des répercussions sociales et familiales. Ce que je constate, c’est que l’infidélité est très rarement un accident. Quand on est infidèle, c’est qu’on s’autorise à l’être. C’est rarement une pulsion. Je ne dis pas que c’est grave, ni impardonnable. »