"Assassini, Maffiosi, Fora" : à Ajaccio et Bastia, plusieurs centaines de personnes disent non à la mafia

Written on 11/15/2025
La rédaction

Ce samedi, pour la 2ème fois de l'année, deux manifestations contre la mafia sont organisées à Ajaccio et Bastia. À l'appel de la coordination anti-mafia, qui rassemblent les deux collectifs a Maffia nò, a vita iè et Massimu Susini et de nombreuses associations, des cortèges s'élanceront dès 14 heures depuis les deux plus grandes villes de l'île. Suivez cette mobilisation en direct sur CNI grâce à notre article mis à jour en temps réel.

Deux mobilisations antimafia se tiennent ce samedi 15 novembre à Ajaccio et à Bastia. Les organisateurs ont fixé le début des cortèges à 14 heures, l’un au départ du terre-plein de la gare d’Ajaccio, l’autre devant le palais de justice de Bastia. Comme lors du rassemblement du 8 mars, les participants défileront derrière le mot d’ordre « Assassini, maffiosi, fora ! ».

Huit mois après cette première mobilisation, les collectifs à l’origine de l’initiative se sont structurés autour d’une coordination antimafia désormais constituée. Elle regroupe les collectifs Maffia no, a Vita ié et Massimu Susini, rejoints par plusieurs associations. Selon ses membres, cette organisation commune doit permettre d’élargir la lutte contre le crime organisé à l’ensemble de la société corse et d’y associer ce qu’ils présentent comme ses composantes les plus actives. L’appel à manifester ce 15 novembre s’inscrit dans ce mouvement de structuration.

Les deux cortèges, organisés simultanément, entendent maintenir la mobilisation citoyenne sur le terrain de la dénonciation de la criminalité organisée et rappeler les attentes exprimées lors du rassemblement de mars.

Alors que le départ des cortèges se rapproche, seulement quelques centaines de personnes sont pour le moment rassemblées à la gare d’Ajaccio et devant le tribunal de Bastia.
 
Du côté d’Ajaccio, plusieurs membres du syndicat agricole Via Campagnola et de l’association U Levante, ainsi que le président de l’Exécutif de Corse, Gilles Simeoni - qui n’avait pas participé à la première manifestation -, la présidente de l'Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis, ainsi que le président du groupe Fà Populu Inseme à l’Assemblée de Corse, Romain Colonna, et plusieurs membres de la majorité territoriale sont présents. Ont également pris part à la manifestation ajaccienne le leader de Core in Fronte, Paul-Félix Benedetti, l'élu d'opposition à la mairie d'Ajaccio et ex-président de la CCI de Corse, Jean-André Miniconi, ou encore Jean-Paul Carrolaggi, candidat d'une liste rassemblant les partis nationalistes à Ajaccio aux prochaines élections municipales

Jean-Toussaint Plasenzotti, du collectif Massimu Susini, s'est adressé à la foule avant le départ de la manifestation : « Il y a une réelle prise de conscience de la société. Nous disons que le combat contre la mafia n’est pas que répressif de la part de l’État. Une délégation est partie en Italie pour s’inspirer des méthodes de l’antimafia mises en place dans les écoles ».
 

14h20 - Le cortège s'élance à Bastia

Avec quelques minutes de retard, le cortège a pris le départ du tribunal de Bastia aux alentours de 14h20.

Parmi les personnalités qui ont répondu à l'appel de la coordination antimafia, on note la présence de François-Xavier Ceccoli, le député de la 2èmecirconscription de Haute-Corse, du sénateur Paulu-Santu Parigi, du maire de la ville, Pierre Savelli, de Jean-Martin Mondoloni, le leader du groupe de droite Un Soffiu Novu à l’Assemblée de Corse, ou encore d'Ange-Pierre Vivoni, le maire de Sisco et président de l’association des maires de Haute-Corse. Plusieurs chefs d'entreprises parmi lesquels Jean-François Mei, dont plusieurs bateaux de tourisme ont brûlé à Saint-Florent en avril dernier, sont également présents. 
 

14h30 - Le cortège démarre depuis la gare d'Ajaccio

À Ajaccio, plusieurs centaines de personnes ont commencé leur marche contre la mafia aux alentours de 14h30.
 
Parmi la foule qui remonte le cours Napoléon, on distingue notamment une banderole de Via Campagnola en hommage à Pierre Alessandri, assassiné en mars dernier, ainsi qu'une banderole en mémoire de Massimu Susini, assassiné en 2019. 
 

Plusieurs centaines de personnes dans les rues de Bastia

Environ 1500 personnes selon les organisateurs - 700 selon la police - défilent actuellement dans le centre-ville de Bastia, dont beaucoup indiquent être venus en famille. Parmi la foule, plusieurs personnes arborent des brassards blancs autour de leurs bras, comme demandé par l'AFC Umani, qui avait expliquer vouloir faire un « geste simple, mais fort, pour donner une place et une voix aux silences révoltés, aux souffrances étouffées, à la solitude des victimes, au poids de la peur et à la quête de justice ». De nombreux t-shirts à l'effigie de Massimu Susini sont aussi portés par des manifestants.

En hommage aux victimes de la mafia, un texte a été lu par deux jeunes filles. « La lutte contre la mafia est très difficile. Il y a les vivants qui se divisent entre ceux qui la font, et ceux qui la laisse faire aux autres. Pendant ce temps, le poison mafieux se répand dans notre société et essaye même de pénétrer dans chaque famille. Et puis il y a les morts. Les morts qui habituellement nous unissent le temps des funérailles. Et puis il y a les morts innocents qui émeuvent tellement dans la tragédie suivie, et qu’on n’oublie quand survient une autre tragédie. La coordination antimafia dans cette journée de conscience vivante et populaire veut associer dans la fraternité toutes les victimes innocentes et leurs familles touchées par la mafia », ont-elles lancé avant de demander que soit respectée une minute de silence. 
 

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15h00 - Le cortège arrive devant la préfecture d'Ajaccio

Après avoir remonté le cours Napoléon, le cortège a marqué un premier arrêt devant la préfecture d'Ajaccio. Parmi la foule, on distingue des manifestants de tous les âges venus dire non à la mafia. Environ 700 à 800 personnes sont présentes.

Le préfet de Corse, Éric Jalon, est sorti du Palais Lantivy afin d'échanger avec le président de l'Exécutif, la présidente de l'Assemblée de Corse et les membres de la coordination antimafia. De son côté, Éric Jalon a indiqué comment il entend lutter contre la criminalité en Corse. 

« Je m’inscris dans la continuité des actions conduites par mes prédécesseurs. En m’appuyant sur la coordination pour la sécurité en Corse, nous allons prendre un certain nombre d’initiatives pour consolider notre action », a-t-il expliqué avant de détailler : « La première initiative c’est d’améliorer encore la coordination de l’ensemble des administrations et notre articulation avec les autorités judiciaires au travers des groupes d’évaluation de la criminalité organisée, pour que nous puissions partager des informations, consolider nos renseignements, transmettre aux autorités judiciaires ce qui peut l’être mais aussi utiliser les moyens de l’action administrative qui sont nombreux. La seconde action est en direction des agents publics que nous voulons former, sensibiliser à la manière dont ils peuvent déceler la présence de la criminalité et de l’emprise mafieuse, donner l’alerte, remonter l’information pour nous permettre de consolider les informations et, dès que cela est possible, de saisir l’autorité judiciaire. Sur le seul périmètre des deux préfectures, ce sont déjà 1000 agents de l’État qui peuvent être formés. Nous allons commencer dès le début de l’année 2026. Et puis nous voulons aussi mieux accompagner les entreprises exposées à la criminalité organisée et qui en subissent les conséquences. Un certain nombre d’outils et d’instance existent et sans doute d’autres peuvent être mobilisés. Nous travaillons pour pouvoir engager les premières actions d’accompagnement au début de l’année 2026, parce que la liberté d’entreprendre fait partie des libertés fondamentales et elle particulièrement exposée aujourd’hui aux emprises mafieuses que nous connaissons sur l’île ».


Deux jeunes hommes de la coordination antimafia ont ensuite prononcé un discours avant de demander une minute de silence en hommage à toutes les victimes de la mafia.
 

Devant la préfecture, le président du syndicat Via Campagnola, Jean-Dominique Musso, a par ailleurs tenu à s’adresser directement au préfet : « Il y a 8 mois de cela, nous étions ici pour les mêmes raisons et que dans cette foule, il y avait une personne en plus : Pierre Alessandri, notre secrétaire général. Pierre Alessandri a été lâchement assassiné et aujourd’hui nous sommes ici pour rappeler que nous n’acceptons pas la situation dans laquelle nous sommes. Aucune démocratie ne peut laisser remettre en cause les fondamentaux, et l’action syndicale fait partie des fondamentaux de la démocratie », a-t-il posé en reprenant : «  Nous n’acceptons pas de voir que depuis 8 mois, il n’y a eu absoleument rien qui a été fait pour l’assassinat de Pierre Alessandri. Aujourd’hui nous réclamons justice pour l’homme, pour l’ami, pour la famille de Pierre Alessandri et pour notre syndicat. Et nous espérons que le 17 mars 2026, la date anniversaire de l’assassinat, nous aurons des réponses. Nous sommes prêts à engager un certain nombre d’actions syndicales parce que nous n’abandonnerons pas Pierre Alessandri ». Une prise de parole qui a longuement été acclamée par la foule. 
 

15h20 - Le cortège arrive devant la préfecture à Bastia

« Nous venons manifester notre rejet de la mafia sous toutes ses formes. Votre présence nombreuse et digne témoigne d’une volonté collective : celle d’une Corse libre, juste et fraternelle, fidèle aux valeurs républicaines », a de son côté scandé David Brusgioni, l'ancien maire de Centuri et membre d'Anticor, devant la préfecture de Bastia, tout en saluant la présence des élus, syndicats et associaux et à tous les anonymes à la manifestation. « Votre présence marque un choix d’avenir. Celui que nous voulons pour les enfants de la Corse. Celui d’une île débarrassée de la peur, du silence et de la corruption. Pour nombre d'entre nous, résonnent encore les paroles du préfet Filippini : soit la Corse et l'État se tiennent la main, et nous arriverons à triompher du crime, mais si nous ne nous faisons pas confiance, alors le crime a déjà gagné  ».

Derrière lui, Jérôme Mondoloni du collectif Massimu Susini a insisté sur le fait que la société « attend une réponse de l’État pour que la mafia ne fasse plus la loi en Corse ». « Six ans après l’assassinat de Massimu Susini, nous sommes encore là, et bien là. Et malgré tout, malgré l'action des collectifs, force est de constater que les assassinats organisés pour la criminalité organisée par la mafia continuent de se multiplier », a-t-il déploré en déroulant : « En 12 ans, 17 chefs d'entreprise dans le bâtiment et les travaux publics ont été assassinés. En 2025, 8 assassinats sont liés directement à la criminalité organisée. Autrement dit, la mafia n'a jamais été aussi puissante, démontrant par la multiplication des incendies criminels en plein été et en présence du préfet qu'elle ne craignait rien. Autrement dit, elle nous annonçait clairement son message : le pouvoir économique, c'est nous. Et le pouvoir politique, demain, c'est nous. C’est cela que veut nous imposer la mafia. Aujourd'hui, cette coordination qui se créé, quelques semaines à peine après son annonce, a réussi à mobiliser et à lancer deux manifestations. C'est unique en France. Jamais un collectif, une coordination antimafia n'a été créé. C'est essentiel. Et puis, ce qu'il est important aussi de retenir, c'est que malgré cette puissance de la mafia, grâce à l'appui de nos élus, dont certains sont présents dans la foule, à l'Assemblée nationale et au Sénat, nous avons réussi à faire voter la confiscation obligatoire des avoirs criminels. On a réussi à faire voter un renforcement du statut de repenti, pour faire imploser les équipes criminelles et pour que la peur change de camp ».

En présence du préfet Michel Prosic, le leader du groupe I Muvrini et président de l'association AFC Umani a ensuite prononcé un discours. 
 

Avant de conclure la manifestation bastiaise, Léo Battesti, du collectif a Maffia nò, a Vità iè, s’est enfin dit « ému d’avoir organisé cette mobilisation à deux endroits en même temps ». « Le combat que nous menons depuis 6 ans n’est pas évident. Ce qui fait aujourd’hui la force de cette coordination c’est qu’elle pose les vrais problèmes », a-t-il estimé en glissant : « La volonté de nos deux collectifs c’est de ne plus exister mais nous continuerons d’agiter les consciences ».
 

15h45 - Le cortège s'installe devant la Collectivité de Corse

Devant les grilles de la Collectivité de Corse, comme lors de la dernière manifestation, le rassemblement s’est terminé par un discours de Jean-Toussaint Plasenzotti, membre de la coordination antimafia. « Toutes les personnes qui sont ici ont franchi un certain nombre d'obstacles, de toutes sortes, pour pouvoir exprimer le simple fait de venir ici, exprimer leur opinion avec leur corps et avec leur voix. Ce n'est pas facile, c'est certain, mais c'est la seule voie que nous avons pour nous opposer à la mafia. Nous sommes des désarmés », a-t-il introduit en reprenant : « La mafia, dans un pays qui commémore la fin de la peine de mort, applique sa propre loi, condamne et exécute. Ici s'exprime la Corse de la civilisation, la Corse de la culture, la Corse de la légalité, la Corse qui veut qu'on règle le problème, qui sont nombreux, d'une manière civilisée, y compris dans la querelle, dans le conflit. La mafia, c'est la prédation, c'est l'exploitation, c'est la menace, l'intimidation, c'est la violence, c'est la mort. Et cette mafia rentre partout, vous le savez, on le sait tous. De plus en plus de familles sont touchées, y compris des familles qui n'ont absolument aucune histoire commune avec la criminalité ».
 

Pour l’oncle de Massimu Susini et membre de l’association éponyme, « cette manifestation est une photographie, un point de rendez-vous dans l'histoire de la Corse ». « Elle aura des suites parce qu'il y a une coordination qui se mise en place et qui va produire, elle va produire de la pensée, elle va produire des propositions, elle va produire des analyses qu'elle va délivrer aux Corses. C'est évident que dans un premier temps cela ne semble pas faire peur à la mafia, mais nous nous sentons quand même un peu de, même beaucoup de nervosité », a-t-il argué en ajoutant : « Nous étions contents après la manifestation du 8 mars, et puis tragiquement, Pierre Alessandri a été assassiné, et on n'a pas perçu une émotion en Corse comme si petit à petit on s'habituait. Pierre Alessandri, c'est quelqu'un qui a suivi d'autres drames et qui a précédé aussi d'autres drames. Alors, il faut qu'on soit un peu plus offensif, un peu plus efficace ».

Devant le préfet, il indique avoir exprimé « un état de révolte à ce besoin de justice qu'on a tous, à ce besoin de sécurité qu'on a pour nous et pour nos enfants ». « Nous avons des réponses, oui, mais dans les faits, quelquefois, ça met un peu plus de temps. Là, on va être encore patients. On fait les mêmes demandes avec nos élus. Il y a eu des progrès incontestablement en six ans, mais après combien de drames ? Il semblerait que ça se soit un peu ralenti. Là, il faut réactiver le contact, une commission anti-mafia que nous avons critiquée puisqu'elle est loin de ce que nous avions demandé. Mais ça ne fait rien, on va jouer le jeu, on va voir jusqu'où on peut aller parce que nous voulons des réponses concrètes. Nous avons besoin de penser comment fonctionne cette criminalité, bien l'identifier pour pouvoir mieux la combattre. C’est une nécessité », a-t-il conclut sous les applaudissements des manifestants.