L’Exécutif corse doit présenter ce vendredi, lors de la session de l'Assemblée de Corse, un rapport officialisant la création d’une commission antimafia. Une initiative saluée par les collectifs engagés contre la criminalité organisée, qui demeurent toutefois prudents quant à sa composition et son efficacité.
C’est une nouvelle étape dans la lutte contre les dérives mafieuses. Ce vendredi, lors de la session de l’Assemblée de Corse, l’Exécutif doit présenter un rapport qui viendra officialiser la création d’une commission anti mafia. Une annonce qui s’inscrit dans la continuité des engagements pris en juin dernier à la suite d’une mobilisation de plusieurs collectifs anti mafia, qui réclamaient sa création depuis plus de deux ans. À l’époque, les collectifs Massimu Susini et A Maffia No, A Vita Iè avaient été reçus par Gilles Simeoni à Ajaccio afin d’évoquer la mise en place d’une commission antimafia, après la délibération adoptée par l’Assemblée de Corse en février lors d’une session consacrée aux pratiques mafieuses.
« Je crois que c’est le genre de réunion dont nous avons besoin dans la société corse. Il n’y a pas eu d’euphémisme, nous avons parlé franchement et crevé quelques abcès, mais cela a été constructif », s’était réjoui Léo Battesti, du collectif A Maffia No, A Vita Iè. « Je crois que ce qui unit les élus et les représentants des associations, c’est le sens des responsabilités à un moment crucial pour la Corse. Nous voyons une mainmise mafieuse considérable sur la Corse, qui gangrène non seulement les affaires, les commerces, mais aussi les esprits et les intelligences. »
Quelques mois plus tard, à l'occasion de la séance de questions orales de la session de rentrée de l'Assemblée de Corse, Antonia Luciani, conseillère territoriale de Fà Populu Inseme, avait interrogé l'Exécutif face à la période préoccupante que traversait la Corse, alors que les incendies criminels s’étaient multipliés. En réponse, le président de l'Exécutif avait assuré de la mobilisation de la Collectivité de Corse pour lutter contre ces dérives, annonçant notamment la prochaine mise en place de la commission anti mafia et appelant à un meilleur accompagnement des victimes d’actes criminels.
Des collectifs favorables mais vigilants
Si les collectifs anti mafia accueillent favorablement la création de cette commission, ils restent néanmoins prudents et posent plusieurs réserves quant à son efficacité. « Au départ, nous sommes bien entendu totalement favorables à la création d'une commission de lutte contre la mafia en Corse. Maintenant, cette commission telle qu'elle a été annoncée nous semble assez pléthorique. On voulait une commission resserrée pour être efficace, travailler dans la sérénité, mais là, il va y avoir 29 membres, ça nous semble beaucoup », explique Jérôme Mondoloni du collectif Massimu Susini. Le collectif déplore également la présence d’une association qui « refuse de reconnaître l'existence de la mafia ou de pratiques mafieuses en Corse », ce qui semble, selon lui, « un peu surréaliste ».
Malgré ces réserves, le collectif assure qu’il participera aux travaux, conscient de « la valeur symbolique de cette commission » et de l’importance de ses missions. « On va faire en sorte qu’elle soit une réussite. » Les attentes du collectif sont claires : la commission doit « faire une analyse sociologique et anthropologique de la mafia à l'œuvre en Corse, voir quelle est la réalité de la corruption en Corse, parce que la Corse est un des départements les plus corrompus, d'après les statistiques de l'État français, faire un état de la pénétration de la mafia et de l'argent de la mafia dans l'économie ». « Tout ça me semble absolument essentiel si on veut pouvoir lutter vraiment contre l'emprise mafieuse en Corse. On veut un travail de fond très précis sur la pénétration mafieuse dans l'économie, du côté des hommes politiques, de la justice… », détaille Jérôme Mondoloni.
Par ailleurs, il souligne une évolution notable du discours de l'État sur la criminalité organisée sur l’île. « Aujourd'hui, nous avons des préfets qui ont annoncé qu'il y a bien une mafia en Corse, que la criminalité organisée a pénétré l'ensemble de l'appareil de l'État. Des décisions très importantes ont été prises, notamment la création du parquet anti criminalité organisé à Bastia. Il faut reconnaître que l'État, depuis quelques mois, a bien reconnu l'existence d'une mafia en Corse, a bien décidé de mettre en œuvre des moyens pour lutter contre elle. Après, nous allons juger, bien entendu, les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus. Mais pour l'instant, on ne peut qu'être satisfait de ces annonces. »
Jérôme Mondoloni insiste également sur l’importance du travail éducatif, alors que des cours anti mafia devraient être dispensés dans les collèges et lycées de l’île. « Le collectif est totalement impliqué dans cette démarche éducative, qui nous semble essentielle pour contribuer à faire tomber le mythe des voyous romantiques et montrer que ces groupes mafieux sont vraiment des ordures qui détruisent le peuple corse. » En attendant, le collectif continue de se mobiliser, avec une manifestation prévue le samedi 15 novembre. « Nous voulons que les Corses descendent dans la rue et dénoncent vraiment l'emprise mafieuse sur la Corse, que les Corses disent très clairement, fermement, fortement qu'ils ne veulent pas que les groupes mafieux triomphent en Corse et imposent leurs lois. Si la mafia prend le pouvoir, nous ne serons plus réellement libres et nous commençons à l'être de moins en moins, parce que quand on voit la puissance du pouvoir d'intimidation de certains groupes, force est de constater qu'ils sont en train de gagner la partie. »