Canari - l'usine d'amiante, qui était la plus grande de France, sera "déconstruite" à partir du mois d'octobre

Written on 09/17/2025
La rédaction avec l'AFP

Fermée depuis 60 ans, l'usine de la plus grande mine d'amiante de France à Canari, sur la cote occidentale du Cap Corse, va être "déconstruite" à partir d'octobre, un chantier de neuf mois sous haute surveillance environnementale.

Surnommé "l'enfer blanc" par les mineurs, le gisement de Canari a été exploité par la Société minière de l'amiante (SMA), filiale d'Eternit, de 1949 à 1965 dans ce village du Cap Corse, situé à une heure de Bastia, que l'on rejoint par une route sinueuse surplombant une somptueuse côte déchiquetée, baignée par les eaux turquoises de la Méditerranée.
François Gassmann, 92 ans, est l'un des derniers au village à avoir travaillé à l'usine. Il se remémore pour l'AFP son travail "ennuyeux" mais qui "payait bien". Parmi ses collègues, "beaucoup fumaient et la cigarette et l'amiante, ça ne faisait pas bon ménage, alors quelques-uns sont morts", souligne celui qui est redevenu berger, "au grand air", après la fermeture.
"Laissé à l'abandon par son ancien propriétaire, ce site menace aujourd'hui la bonne circulation sur la route territoriale (RD80) et contient toujours de l'amiante", souligne Arnaud Millemann, secrétaire général de la préfecture de Haute-Corse pour expliquer ce "chantier hors norme" en cours d'installation avant la déconstruction prévue d'octobre à mai.

Depuis la fin des années 1990, des études et travaux de sécurisation ont déjà coûté à l'Etat 25 millions d'euros.
Mais d'ici juin 2026, l'ancienne usine à flanc de colline sera entièrement "déconstruite petit à petit avec une pince à béton qui va grignoter l'édifice depuis le haut jusqu'en bas", détaille Pierre Vignaud, chef de projet de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
D'un coût de 6,9 millions d'euros, "ce chantier est un vrai défi technique, totalement inédit en France" avec "trois complexités", ajoute-t-il: "la proximité entre l'usine et la route", "des bâtiments de grande hauteur" et "la présence généralisée d'amiante".

Une page qui se tourne 
 
"Pour s'assurer qu'aucune fibre d'amiante ne soit dispersée dans l'environnement", un système d'aspersion et de brumisation du chantier est prévu avec "100% de recyclage" pour qu'il y ait "zéro rejet d'eau à la mer", détaille M. Millemann. Les gravats seront recouverts de matériaux inertes.
"Dix points de mesure" de la qualité de l'air ont été installés sur toute la côte occidentale du Cap Corse, poursuit le responsable et sur "500 mesures effectuées depuis octobre 2024, seules six ont été positives, avec entre 0,5 et une fibre d'amiante par litre d'air", pour un maximum réglementaire de cinq fibres par litre.
Et "au-delà de 40 km/h de vent sur la zone du chantier, les opérations de déconstruction s'arrêteront", souligne Pierre Vignaud.
 
​Axe vital de la côte ouest du Cap Corse, la route restera ouverte pendant la totalité du chantier, sauf une "douzaine de nuits en janvier et février 2026", poursuit-il.
"Au moins 15% de l'économie du chantier reviendra à l'économie de la Corse", soit un million d'euros, assure également le secrétaire général.
Pour autant, à Canari, qui compte aujourd'hui 300 habitants permanents contre un millier au moment du fonctionnement de la mine, cette destruction ne fait pas l'unanimité. "Ils auraient pu très bien laisser l'usine comme ça, juste en sécurisant le toit. J'attends de voir les conséquences après les travaux, je crains que la route soit fragilisée", dit ainsi à l'AFP Henriette Granili, 62 ans, qui tient le restaurant sur la place du village.
"Au départ au village, on ne voulait pas qu'ils la détruisent mais c'est très dangereux, ça risque de s'effondrer", souligne le maire, Simon Gassmann.
"C'est une page qui se tourne. Quand, demain, elle ne sera plus là, ça va nous faire quelque chose", dit-il, ému, évoquant son grand-père, ses deux oncles et sa tante, tous "morts de l'amiante".
Pour transmettre cette mémoire, "une fresque de 80 mètres de long sur trois mètres de haut" rendra hommage sur le site aux travailleurs de l'époque.