À l’occasion du tricentenaire de la naissance de Pascal Paoli, un colloque se tient ce lundi 14 juillet au musée de Morosaglia. Chercheurs et historiens échangent autour de la société corse au XVIIIe siècle, bien au-delà de la figure de Pascal Paoli, pour mieux saisir le contexte politique et social de l’époque.
Comprendre la Corse et les Corses au XVIIIe siècle. C’est l’objectif du colloque organisé ce lundi 14 juillet au musée de Morosaglia. À l’occasion du tricentenaire de la naissance de Pascal Paoli, et des 270 ans de son élection à la tête de la nation corse, chercheurs et historiens se réunissent pour “replacer le parcours de l'homme au sein des révolutions corses, dans la Corse de son temps, et plus largement encore dans la Méditerranée du XVIIIe siècle”. “L’idée, c’est de décentrer le propos”, explique Erick Miceli, historien. “On n’intervient pas directement pour parler de Pascal Paoli, mais on élargit à l’ensemble de la société corse de l’époque.”
À travers ce colloque, l’idée est d’abord de “montrer l’état géopolitique de la Méditerranée durant les cinquante premières années du XVIIIe siècle”. “On a tout un tas de mutations au niveau des dynasties qui font que les Corses peuvent se poser la question de leur adhésion à la République de Gênes”, précise Erick Miceli. “Pendant la première partie du XVIIIe siècle, on va se rendre compte que les populations européennes se détachent de leur sentiment d'appartenance aux puissantes dynasties : les notions de peuple et de communauté se mettent en place. On le voit en Espagne, en Sardaigne, en Sicile, à Naples et même en Corse. Le peuple ne veut plus être au service d’une puissance, il veut faire de la politique. C’est pour ça qu’on passe d’une île qui est plus ou moins dans un état de paix depuis près d'un siècle à une île qui se lance dans un processus d'indépendance.”
C’est dans ce contexte que naissent les révolutions corses. “Ce qui structure cette époque, c’est la montée d’un nouveau patriotisme, un patriotisme national”, souligne l’historien. Au XVIIe siècle, le loyalisme corse s’exprimait à travers la fidélité à Gênes. Mais au siècle suivant, une nouvelle forme d’engagement apparaît. “On commence à réfléchir à de nouvelles manières d’être un patriote corse.” L’arrivée au pouvoir de Pascal Paoli en 1755 marque une étape centrale dans ce processus. Mais contrairement à ce qu’on peut croire, il n’est pas unanimement soutenu sur l’île. “Il y a beaucoup de résistance, pour une raison très simple : les grands notables installés en Balagne, dans le Cortenais ou dans le Cap ne voient pas d'un bon œil l'arrivée de l'État, parce qu'un État centralisé, c'est un État qui retire du pouvoir aux régions. Tous les Corses n’ont pas été paolistes, et même parmi les paolistes, il y a eu des façons très différentes de s’engager.”
Un colloque appelé à durer
L’objectif pour les chercheurs participant au colloque est aussi de rappeler que la Corse a joué un rôle actif “dans les tempêtes du XVIIIe siècle”. “Les Corses ont aussi une influence et ils apportent quelque chose. Ils peuvent, à un moment donné, irriguer l'Occident avec leurs idées, leurs aventures et mésaventures, et leur expérience politique”, détaille l’historien. “Ils vont devenir, à un moment donné, des héros de la liberté dans cette Europe absolutiste.” Tout au long de la journée, les chercheurs reviennent aussi sur cette progression historique. “Le but, c’est vraiment de montrer l’évolution”, souligne Erick Miceli. “On part de la Corse génoise et on suit son chemin jusqu’à la fin du siècle des révolutions.”
Et même si ce sont des universitaires qui prennent la parole, l’événement se veut ouvert à tous. “Le but du jeu, ce n'est pas de faire de l'entre-soi universitaire, mais au contraire de s'ouvrir sur la société et de faire de la science pour la société. Les interventions sont pointues, mais elles sont accessibles au grand public, d’où le fait d’organiser ce colloque dans le musée de Morosaglia, un lieu ouvert à tous.”
À l’issue du colloque, les interventions seront rassemblées et publiés dans un ouvrage dans les mois à venir. L’idée, pour les organisateurs, est aussi de créer une tradition : celle du colloque du 14 juillet, qui reviendra tous les ans. “Aujourd’hui, on aborde le sujet des Corses au XVIIIe siècle, mais on a pour ambition de revenir tous les ans, pour faire connaître un passage méconnu de l’Histoire au grand public, tout en gardant un sujet intéressant d’un point de vue des réflexions globales.”