En escale à Bastia dans le cadre de son premier Tour de France, l’association Anticor a installé jeudi 3 juillet un stand place Saint-Nicolas. Objectif : alerter les citoyens sur les dérives liées à la corruption et les encourager à devenir acteurs de la lutte contre ces pratiques.
À l'occasion de son Tour de France contre la corruption, l'association Anticor a fait escale à Bastia
C’est une étape symbolique pour une association qui entend faire entendre sa voix sur l’ensemble du territoire. Ce jeudi 3 juillet, l’équipe d’Anticor a installé son stand place Saint-Nicolas à Bastia, dans le cadre de son premier Tour de France contre la corruption. Une tournée inédite à bord d’une camionnette transformée en outil de sensibilisation mobile, partie début juin des départements de l’est de la France. Après l’Aveyron, le Gard, la Drôme, l’Ardèche ou encore le Var, l’escale corse prend un relief particulier. “On voulait absolument venir en Corse. C’est un territoire où les atteintes à la probité sont plus fréquentes qu’ailleurs, mais aussi un endroit où les citoyens montrent une vraie volonté de comprendre et d’agir”, explique Nadia Mordelet, administratrice de l’association.
Sur le parvis bastiais, la petite équipe va au-devant des passants. L’objectif est clair : “créer du lien avec les citoyens pour faire de la pédagogie autour de la corruption, et montrer que cette lutte est l’affaire de tous”. À travers une série d’activités interactives et ludiques, Anticor vulgarise des notions juridiques complexes, souvent méconnues. “La roue de l’infortune”, tirage de cartes, quiz ou cas pratiques : le public est invité à identifier différentes formes d’infractions (abus de biens sociaux, favoritisme, prise illégale d’intérêts, etc.), à reconnaître des situations emblématiques, et à réfléchir aux moyens d’agir à l’échelle individuelle. “Nous voulons que les gens puissent mettre un nom sur ce qu’ils voient ou soupçonnent parfois dans leur quotidien”, explique Nadia Mordelet. L’approche, volontairement accessible, cherche à lever le flou sur des concepts souvent jugés abstraits, comme le trafic d’influence ou le détournement de fonds publics.
Autre animation proposée : Rends l’argent, un jeu de cartes imaginé sur le modèle du Mille Bornes, où s’affrontent deux camps – la corruption d’un côté, l’éthique de l’autre. Le principe : tirer des situations concrètes et apprendre à y réagir. “Cela permet de mettre en scène les dilemmes, les pressions, les abus, mais aussi les recours possibles. Et de rappeler que la justice ou l’intégrité ne sont pas des notions désincarnées”, détaille la bénévole. Sur place, les échanges avec le public sont jugés “très riches” et “souvent spontanés”. “Les gens nous disent qu’ils ne savent pas toujours comment agir, mais qu’ils se sentent concernés. Il y a une vraie réceptivité”, affirme l’équipe.
Le passage d’Anticor en Haute-Corse s’inscrit aussi dans un contexte local sensible. En mai 2024, l’association relayait un rapport de l’Agence française anticorruption (AFA) plaçant la Corse parmi les régions les plus concernées par les atteintes à la probité, avec une moyenne de 6,3 infractions pour 100 000 habitants chaque année, contre 1,1 au niveau national. Un constat alarmant, que l’association refuse toutefois d’aborder avec fatalisme. “On ne vient pas pour stigmatiser, mais pour soutenir. On veut aussi dire qu’il y a des moyens d’agir. Que des citoyens, des élus, des agents publics peuvent changer les choses”, insiste Nadia Mordelet. “La lutte contre la corruption passe par plus de transparence, mais aussi par une réappropriation des outils démocratiques.”
Anticor rappelle également son engagement en faveur des lanceurs d’alerte. En 2018, elle a cofondé la Maison des lanceurs d’alerte, qui propose un accompagnement juridique, social et psychologique aux personnes qui signalent des infractions dans leur environnement professionnel ou institutionnel. “Ils prennent des risques considérables pour informer le public. Notre rôle, c’est de les protéger et de les soutenir dans leurs démarches”, martèle Nadia Mordelet.
Après Bastia, la camionnette poursuivra sa route vers les Alpes, avant de clore sa tournée dans les Ardennes à l’automne. Chaque étape dure deux jours. “Ce que l’on veut, conclut l’administratrice, c’est que les gens sachent qu’ils ne sont pas impuissants. Qu’ils peuvent se former, se mobiliser, signaler, contrôler. Il y a un véritable enjeu démocratique à ce que chacun se sente légitime à s’emparer de ces questions.”