En Corse, les nouveaux « espaces sans tabac » peinent à convaincre

Written on 07/03/2025
MP

Afin de dénormaliser la consommation de tabac dans l'espace public, depuis ce 1er juillet il est désormais interdit de fumer la plage, dans un parc, sous un abribus, aux abords des écoles, des bibliothèques, piscines, stades et autres installations sportives. Une mesure qui vise à protéger les nouvelles générations mais qui peine encore à convaincre.

Depuis ce 1er juillet, il est désormais interdit de fumer à la plage, dans un parc, sous un abribus, aux abords des écoles, des bibliothèques, piscines, stades et autres installations sportives. Une mesure de santé publique annoncée par la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, en mai dernier, dans le but de protéger les nouvelles générations – 90 % des jeunes commençant à fumer avant 18 ans – et de prévenir les addictions en faisant disparaitre la cigarette des lieux collectifs. « Là où il y a des enfants, le tabac doit disparaître. Un parc, une plage, une école, ce sont des lieux pour jouer, apprendre, respirer. Pas pour fumer », soulignent ainsi Catherine Vautrin et Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins en rappelant dans un communiqué que chaque année en France, 75 000 décès sont imputables au tabac, tandis que son coût social est estimé à 150 milliards d’euros . En outre, entre 20 000 et 25 000 tonnes de mégots sont chaque année jetés dans les rues, la nature ou sur les plages. Un désastre environnemental, quand on sait qu’un seul mégot peut polluer jusqu’à 500 litres d’eau. 
 
Malgré les arguments avancés pour justifier cette dénormalisation de la consommation de tabac dans l’espace public, ce mercredi, encore peu de personnes semblent avoir intégré et encore moins comprendre ces nouvelles interdictions à Bastia. Au parc de l’Annonciade, quelques jeunes installés sur un banc, cigarette à la main, semblent surpris par ces nouvelles interdictions. L’un d’eux, surpris, avance : « Je n’étais pas au courant… mais bon, on sait que c’est mauvais. On fait attention, mais franchement, je vois mal comment ils vont nous empêcher de fumer ici ». Même scène sous plusieurs arrêts de bus de la ville, où des fumeurs grillent une cigarette sans prêter attention à la réglementation. Lydie, une habitante de Bastia, prend la ligne 1 chaque matin pour se rendre à l’hôpital. « Pour moi, fumer à l’arrêt, c’est comme une pause. Une manière de me défouler. Je fume en sortant de chez moi, et aussi en sortant de l’hôpital où ma mère est hospitalisée depuis plusieurs semaines. Interdire ça, je trouve ça injuste », souffle-t-elle. « Je ne savais pas que c’était interdit ici », s’étonne pour sa part Angélique, touriste parisienne, une cigarette à la main sous l’abri de bus situé juste devant la préfecture, alors que plusieurs personnes attendent elles aussi la navette vers l’aéroport en fumant. Angélique jette un regard autour d’elle : « Est-ce que tout le monde est au courant ? ».  Non loin d’elle, un couple de vacanciers observe la scène. Ils s’interrogent à voix haute : « Mais qui est censé faire appliquer cette règle ? ». Le ton est plutôt sceptique. « Avec tous les problèmes qu’il y a, vous pensez vraiment que des policiers vont venir verbaliser les gens pour une clope à l’arrêt de bus ? ». 
 
Le contrôle du respect de ces nouvelles interdictions devra en effet trouver sa place dans le quotidien chargé des forces de l’ordre. Du côté des mairies de l’île, on confie d’ailleurs sotto voce que les effectifs des polices municipales sont trop restreints pour pouvoir s’acquitter de cette mission supplémentaire. Du côté des services de l’État, on assure en revanche que « le contrôle du respect de ces dispositions est intégré dans le cadre des patrouilles habituelles des forces de l'ordre ». 
 
« Comme tout type de nouvelles mesures, ces nouvelles interdictions demanderont un petit peu de temps pour que les forces de l'ordre et les polices municipales s'adaptent au contexte », concède Pierre-Yves Argat, le directeur de cabinet du préfet de Haute-Corse, « Tout cela va se faire de façon progressive, mais d'ores et déjà, la mesure et le dispositif est pris en compte par les forces de l'ordre. Les gendarmes et policiers s’adapteront, feront preuve de discernement et de priorité entre leurs urgences et les phases de contrôle, mais ils prendront en compte cette mesure dans leur plan de circulation et de contrôle ». Avant la répression, il est toutefois prévu une première phase de pédagogie et de sensibilisation. « Pour toutes nouvelles mesures, forces de l'ordre font preuve de discernement et dans un premier temps expliquent la règle. Pour celles et ceux qui comprennent la règle, il n'y aura pas de difficulté », affirme le directeur de cabinet du préfet de Haute-Corse. Les plus récalcitrants pourront en revanche rapidement écoper d’une contravention de 4ème classe, soit 135 euros. 
 
En attendant, sur la plage de Saleccia, à la mi-journée, aucun fumeur en vue. Luca, en vacances avec sa famille venue de Trévise, en Italie, voit même la mesure d’un bon œil : « C’est très bien. Il est temps d’arrêter de fumer. Ça pollue, et à la plage, c’est encore pire. Ce serait bien que l’Italie s’en inspire. »