La troisième Conférence des Nations unies sur l'Océan (UNOC 3), coorganisée par la France et le Costa Rica, s’est tenue à Nice du 9 au 13 juin. La présidente de l'Assemblée de Corse, également membre du Comité européen des régions et présidente de la commission des îles de la CRPM, Nanette Maupertuis, a ouvert la journée dédiée à la Méditerranée. Elle revient pour Corse Net Infos sur les enjeux pour les îles, les défis liés à l’eau, la pollution plastique, la protection des aires marines protégées, la surpêche et sur l’interdiction du chalutage annoncé par le président Macron. Elle insiste sur la nécessité de renforcer la coopération dans le cadre du Pacte pour la Méditerranée en Europe avec les moyens financiers adéquats. Un sujet qu’elle a défendu lors de la conférence budgétaire annuelle de l’Union européenne à laquelle elle a participé, le 20 mai dernier à Bruxelles.
- Dans le cadre d’UNOC 3, vous avez prononcé le discours d’ouverture de la session dédiée à la Méditerranée. Quels sujets avez-vous abordés ?
- La Corse était invitée par le président de la Région Sud et par le maire de Nice. Nous l’avons représentée avec les conseillers exécutifs, Jean-Félix Acquaviva et Guy Armanet. J’ai eu le plaisir d’ouvrir la session consacrée à la Méditerranée. C’était une séquence importante parce qu’elle associait des responsables politiques de toutes les rives de la Méditerranée, des experts scientifiques internationaux et la société civile avec plusieurs associations et parties prenantes. Nous avons tous évoqué, d’abord et avant tout, les dangers et les défis à relever en Méditerranée qui est une mer fermée et, en même temps, un des hotspots de la biodiversité dans le monde. Le problème, c’est que la concentration humaine sur le littoral, associée au changement climatique, a pour conséquence une diminution très forte de la biodiversité marine. De plus, la zone méditerranéenne est soumise à un stress hydrique très important qui impacte les ressources terrestres qui bordent la Méditerranée. L’ensemble de la zone est véritablement sous pression. Lorsqu’il se passe quelque chose sur une des rives, l’autre côté est automatiquement concerné. C’est pour dire que l'on a véritablement un destin commun en Méditerranée parce qu'on a une mer en partage. Les îles, comme les régions côtières, sont confrontées à des défis majeurs, communs, que ce soit le changement climatique, les pollutions marines, en particulier les pollutions plastiques. Et des défis également migratoires, de sécurité alimentaire, et évidemment géopolitiques, avec tout ce qui se passe aujourd'hui au Moyen-Orient.
- La pollution marine touche aussi la Corse. Que peut-on y faire ?
- Nous avons surtout traité, au cours de cette journée, des pollutions plastiques, en particulier des microplastiques qui font peser un risque majeur sur le monde vivant. J’ai rappelé que les territoires insulaires, qui ne sont pas des territoires industriels, reçoivent énormément de pollutions venant d’ailleurs, notamment des microplastiques. J’ai rappelé également que dans les années 60 en Corse, nous nous étions fortement mobilisés contre les boues rouges de la Montedison. Ce qui a été fait par nos pères, il y a 60 ans, est tout à fait faisable aujourd’hui. C’est-à-dire : dire « Non à ces pollutions » ! La Corse compte deux parcs marins, un dans l’Extrême-Sud et un autre dans les Agriates et le Cap Corse. Ils ont été obtenus de haute lutte et sont un exemple à suivre du combat des Corses, des insulaires, en faveur du milieu marin.
- Autre sujet abordé et plus polémique : celui de la surpêche. Qu’en est-il en Corse ?
- Il y a plusieurs types de pêche en Méditerranée. La nôtre en Corse concerne plus d’une centaine de pêcheurs. C’est une pêche côtière, artisanale, respectueuse des écosystèmes. Ce n’est pas toujours le cas, ailleurs, en Méditerranée, où l’on pratique une surexploitation des ressources halieutiques qui vient se surajouter à une diminution des stocks halieutiques, diminution due à une pression humaine trop forte, à une pression touristique et à des espèces invasives. La pêche côtière, telle que nous la connaissons en Corse, est en danger. Les stocks diminuent, en plus une pêche agressive de certains chalutiers, de certains armements venant d’Italie ou d’Espagne, raclent tout sur leur passage et abîment les champs de Posidonies. Cela n’est pas soutenable, ni pour la nature, ni pour la pêche artisanale corse.
- Le président Macron a annoncé l’interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées, provoquant la colère des pêcheurs de Bunifaziu. Cette mesure est-elle justifiée ?
- Dans le chalutage, tout est question de dosage, d’équilibre. La Corse, ce n’est ni la Bretagne, ni la Sicile, notre pêche n’est pas une pêche intensive, elle n’est pas un armement de chalutiers. On ne peut pas traiter les quelques petits chalutiers corses, il n’y en a que cinq licenciés sur toute l’île, comme les gros chalutiers étrangers qui chalutent dans les eaux territoriales entre la Corse et la Sardaigne, alors que c'est une zone marine protégée. Il faudra être prudent en la matière. Je pense que là où il n’y a plus assez de ressources halieutiques et où la biodiversité est en danger, il faut effectivement les protéger de la pêche intensive, comme on le fait pour les espèces terrestres, pour leur donner le temps de se régénérer. Il faut consulter et moduler.
- La Corse était invitée par le président de la Région Sud et par le maire de Nice. Nous l’avons représentée avec les conseillers exécutifs, Jean-Félix Acquaviva et Guy Armanet. J’ai eu le plaisir d’ouvrir la session consacrée à la Méditerranée. C’était une séquence importante parce qu’elle associait des responsables politiques de toutes les rives de la Méditerranée, des experts scientifiques internationaux et la société civile avec plusieurs associations et parties prenantes. Nous avons tous évoqué, d’abord et avant tout, les dangers et les défis à relever en Méditerranée qui est une mer fermée et, en même temps, un des hotspots de la biodiversité dans le monde. Le problème, c’est que la concentration humaine sur le littoral, associée au changement climatique, a pour conséquence une diminution très forte de la biodiversité marine. De plus, la zone méditerranéenne est soumise à un stress hydrique très important qui impacte les ressources terrestres qui bordent la Méditerranée. L’ensemble de la zone est véritablement sous pression. Lorsqu’il se passe quelque chose sur une des rives, l’autre côté est automatiquement concerné. C’est pour dire que l'on a véritablement un destin commun en Méditerranée parce qu'on a une mer en partage. Les îles, comme les régions côtières, sont confrontées à des défis majeurs, communs, que ce soit le changement climatique, les pollutions marines, en particulier les pollutions plastiques. Et des défis également migratoires, de sécurité alimentaire, et évidemment géopolitiques, avec tout ce qui se passe aujourd'hui au Moyen-Orient.
- La pollution marine touche aussi la Corse. Que peut-on y faire ?
- Nous avons surtout traité, au cours de cette journée, des pollutions plastiques, en particulier des microplastiques qui font peser un risque majeur sur le monde vivant. J’ai rappelé que les territoires insulaires, qui ne sont pas des territoires industriels, reçoivent énormément de pollutions venant d’ailleurs, notamment des microplastiques. J’ai rappelé également que dans les années 60 en Corse, nous nous étions fortement mobilisés contre les boues rouges de la Montedison. Ce qui a été fait par nos pères, il y a 60 ans, est tout à fait faisable aujourd’hui. C’est-à-dire : dire « Non à ces pollutions » ! La Corse compte deux parcs marins, un dans l’Extrême-Sud et un autre dans les Agriates et le Cap Corse. Ils ont été obtenus de haute lutte et sont un exemple à suivre du combat des Corses, des insulaires, en faveur du milieu marin.
- Autre sujet abordé et plus polémique : celui de la surpêche. Qu’en est-il en Corse ?
- Il y a plusieurs types de pêche en Méditerranée. La nôtre en Corse concerne plus d’une centaine de pêcheurs. C’est une pêche côtière, artisanale, respectueuse des écosystèmes. Ce n’est pas toujours le cas, ailleurs, en Méditerranée, où l’on pratique une surexploitation des ressources halieutiques qui vient se surajouter à une diminution des stocks halieutiques, diminution due à une pression humaine trop forte, à une pression touristique et à des espèces invasives. La pêche côtière, telle que nous la connaissons en Corse, est en danger. Les stocks diminuent, en plus une pêche agressive de certains chalutiers, de certains armements venant d’Italie ou d’Espagne, raclent tout sur leur passage et abîment les champs de Posidonies. Cela n’est pas soutenable, ni pour la nature, ni pour la pêche artisanale corse.
- Le président Macron a annoncé l’interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées, provoquant la colère des pêcheurs de Bunifaziu. Cette mesure est-elle justifiée ?
- Dans le chalutage, tout est question de dosage, d’équilibre. La Corse, ce n’est ni la Bretagne, ni la Sicile, notre pêche n’est pas une pêche intensive, elle n’est pas un armement de chalutiers. On ne peut pas traiter les quelques petits chalutiers corses, il n’y en a que cinq licenciés sur toute l’île, comme les gros chalutiers étrangers qui chalutent dans les eaux territoriales entre la Corse et la Sardaigne, alors que c'est une zone marine protégée. Il faudra être prudent en la matière. Je pense que là où il n’y a plus assez de ressources halieutiques et où la biodiversité est en danger, il faut effectivement les protéger de la pêche intensive, comme on le fait pour les espèces terrestres, pour leur donner le temps de se régénérer. Il faut consulter et moduler.
- Vous avez parlé des îles et de la nécessité de renforcer la coopération. Quel type de coopération faut-il en Méditerranée ?
- Il faut une coopération entre les Etats-membres, en particulier sur les aires marines protégées. On a, bien évidemment, rappelé qu’il était important que les autorités régionales et locales y soient associées. Il n’est pas pensable, notamment dans les territoires insulaires qui dépendent fortement de l’économie bleue et qui, de manière naturelle, ont un bassin maritime, que les autorités de ces territoires ne soient pas impliquées. La résilience de la Méditerranée passe par une nouvelle gouvernance multi-niveaux qui associe, à la fois, le niveau national, le niveau européen et le niveau local. Bien sûr, il y a les frontières territoriales françaises, italiennes, espagnoles…, mais je rappelle que la frontière maritime n’est pas une question administrative. C’est une question de bassin de vie maritime, en particulier pour les insulaires, c’est un écosystème marin pour les animaux qui ne connaissent pas les frontières politiques et administratives. Le droit maritime international et les règlements de coopération territoriale en Europe doivent en tenir compte. C’est pourquoi des projets communs de protection de l’espace naturel doivent être mis en œuvre et s’appuyer sur des projets de coopération. De la même manière, au-delà de la protection de la nature, il faut mettre en place des réseaux de transport durables en Méditerranée, entre les îles et le continent, et entre les îles elles-mêmes. Et favoriser aussi le cabotage, mais, chaque fois, dans une logique de soutenabilité et de durabilité avec des ports propres, des bateaux propres… Egalement, faciliter les modalités de transport. Donc, on a besoin de coopération et de nouveaux règlements de coopération. L’Union européenne va les développer après 2027. Nous sommes sur le pont pour défendre ce type de stratégie.
- L’UNOC vient de s’achever et l’on critique déjà le manque de financement des actions qui ont été décidées. Comment financer cette coopération ?
- Assurer ces programmes de protection, de restauration et de coopération, exige effectivement des moyens dans un contexte tendu à tous les échelons sur le plan budgétaire. Dans un des ateliers, nous avons travaillé sur les financements à mettre en œuvre, qu’il s’agisse de protection de l’espace naturel ou d’économie bleue, et sur les partenariats publics-privés. Aujourd’hui, de grandes entreprises et des fleurons régionaux s’impliquent sur ces sujets. C’est déjà une première voie. La deuxième est que l’Europe doit agir. Nous sommes en pleine discussion sur le cadre financier pluriannuel post 2027 où on ne parle que de défense ! J’ai moi-même porté un rapport sur le cadre financier pluriannuel, il y a quelques mois. J'ai réitéré nos demandes d’élus territoriaux auprès de la présidente Van der Leyen, lors d’une conférence sur le budget de l’Union européenne, le 20 mai dernier, où je représentais le Comité européen des régions. J’ai rappelé que les autorités régionales et locales devaient être complètement associées au montage du prochain budget pour éviter le risque très fort de centralisation budgétaire. Les autorités régionales doivent être pleinement impliquées parce que nous ne sommes pas des sous-traitants de la politique européenne, nous sommes des acteurs responsables et des partenaires à part entière. Concernant la mise en place du prochain pacte pour la Méditerranée, qui est défendu par la Commissaire à la Méditerranée, nous avons demandé la prise en compte des territoires, notamment insulaires, mais aussi de nouveaux systèmes de gouvernance et des moyens pour véritablement enclencher une nouvelle trajectoire pour la Méditerranée, sinon elle va manquer d’oxygène, au sens propre, comme figuré.
- Vous avez évoqué l’enjeu de l’eau, très prégnant en Méditerranée. Y aura-t-il une coopération européenne en la matière ?
- Oui. Il va y avoir une grande stratégie européenne de l’eau avec des financements dédiés dans laquelle il faudra défendre la dimension méditerranéenne. Le cycle de l’eau débute sur les bassins versants et se posent, en Méditerranée, les questions d’évaporation. Il est impensable qu’il ne puisse pas y avoir une dimension financière et méditerranéenne pour prévoir une meilleure gestion du cycle de l’eau en Méditerranée. Des opportunités existent indiscutablement. Elles peuvent se concrétiser si tout le monde se met autour de la table des discussions, et que l’on ne rate pas le coche, que ce soit pour le Pacte méditerranéen ou pour la stratégie européenne de l’eau. Il est essentiel comme l’a rappelé la présidente Van der Leyen, le 9 juin à Nice, que le Pacte pour les océans prenne en compte les territoires insulaires. Parce que si nos Etats ne nous défendent pas, ce que je n’ose penser, il est important que l’Europe nous entende. Il y aura une stratégie spécifique pour la résilience, notamment des territoires insulaires. Nous devons être présents.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Il faut une coopération entre les Etats-membres, en particulier sur les aires marines protégées. On a, bien évidemment, rappelé qu’il était important que les autorités régionales et locales y soient associées. Il n’est pas pensable, notamment dans les territoires insulaires qui dépendent fortement de l’économie bleue et qui, de manière naturelle, ont un bassin maritime, que les autorités de ces territoires ne soient pas impliquées. La résilience de la Méditerranée passe par une nouvelle gouvernance multi-niveaux qui associe, à la fois, le niveau national, le niveau européen et le niveau local. Bien sûr, il y a les frontières territoriales françaises, italiennes, espagnoles…, mais je rappelle que la frontière maritime n’est pas une question administrative. C’est une question de bassin de vie maritime, en particulier pour les insulaires, c’est un écosystème marin pour les animaux qui ne connaissent pas les frontières politiques et administratives. Le droit maritime international et les règlements de coopération territoriale en Europe doivent en tenir compte. C’est pourquoi des projets communs de protection de l’espace naturel doivent être mis en œuvre et s’appuyer sur des projets de coopération. De la même manière, au-delà de la protection de la nature, il faut mettre en place des réseaux de transport durables en Méditerranée, entre les îles et le continent, et entre les îles elles-mêmes. Et favoriser aussi le cabotage, mais, chaque fois, dans une logique de soutenabilité et de durabilité avec des ports propres, des bateaux propres… Egalement, faciliter les modalités de transport. Donc, on a besoin de coopération et de nouveaux règlements de coopération. L’Union européenne va les développer après 2027. Nous sommes sur le pont pour défendre ce type de stratégie.
- L’UNOC vient de s’achever et l’on critique déjà le manque de financement des actions qui ont été décidées. Comment financer cette coopération ?
- Assurer ces programmes de protection, de restauration et de coopération, exige effectivement des moyens dans un contexte tendu à tous les échelons sur le plan budgétaire. Dans un des ateliers, nous avons travaillé sur les financements à mettre en œuvre, qu’il s’agisse de protection de l’espace naturel ou d’économie bleue, et sur les partenariats publics-privés. Aujourd’hui, de grandes entreprises et des fleurons régionaux s’impliquent sur ces sujets. C’est déjà une première voie. La deuxième est que l’Europe doit agir. Nous sommes en pleine discussion sur le cadre financier pluriannuel post 2027 où on ne parle que de défense ! J’ai moi-même porté un rapport sur le cadre financier pluriannuel, il y a quelques mois. J'ai réitéré nos demandes d’élus territoriaux auprès de la présidente Van der Leyen, lors d’une conférence sur le budget de l’Union européenne, le 20 mai dernier, où je représentais le Comité européen des régions. J’ai rappelé que les autorités régionales et locales devaient être complètement associées au montage du prochain budget pour éviter le risque très fort de centralisation budgétaire. Les autorités régionales doivent être pleinement impliquées parce que nous ne sommes pas des sous-traitants de la politique européenne, nous sommes des acteurs responsables et des partenaires à part entière. Concernant la mise en place du prochain pacte pour la Méditerranée, qui est défendu par la Commissaire à la Méditerranée, nous avons demandé la prise en compte des territoires, notamment insulaires, mais aussi de nouveaux systèmes de gouvernance et des moyens pour véritablement enclencher une nouvelle trajectoire pour la Méditerranée, sinon elle va manquer d’oxygène, au sens propre, comme figuré.
- Vous avez évoqué l’enjeu de l’eau, très prégnant en Méditerranée. Y aura-t-il une coopération européenne en la matière ?
- Oui. Il va y avoir une grande stratégie européenne de l’eau avec des financements dédiés dans laquelle il faudra défendre la dimension méditerranéenne. Le cycle de l’eau débute sur les bassins versants et se posent, en Méditerranée, les questions d’évaporation. Il est impensable qu’il ne puisse pas y avoir une dimension financière et méditerranéenne pour prévoir une meilleure gestion du cycle de l’eau en Méditerranée. Des opportunités existent indiscutablement. Elles peuvent se concrétiser si tout le monde se met autour de la table des discussions, et que l’on ne rate pas le coche, que ce soit pour le Pacte méditerranéen ou pour la stratégie européenne de l’eau. Il est essentiel comme l’a rappelé la présidente Van der Leyen, le 9 juin à Nice, que le Pacte pour les océans prenne en compte les territoires insulaires. Parce que si nos Etats ne nous défendent pas, ce que je n’ose penser, il est important que l’Europe nous entende. Il y aura une stratégie spécifique pour la résilience, notamment des territoires insulaires. Nous devons être présents.
Propos recueillis par Nicole MARI.