Chantier d'extension du port : les élus porto-vecchiais remettent la pression sur la Collectivité de Corse

Written on 06/14/2025
Julien Castelli

Le 6 mai, le comité d’engagement de la Banque des territoires actait sa participation à hauteur de 35 millions d’euros dans le financement de l’extension du port de plaisance de Porto-Vecchio. Une étape décisive, dans le sens où si la Banque des territoires avait dit non, il eut été très difficile pour la ville de Porto-Vecchio de boucler son plan de financement, qui est passé en novembre 2024 de 105 à 145 millions d’euros. En dépit de cette excellente nouvelle, il reste encore de l’argent à aller chercher, et mercredi soir, les élus porto-vecchiais ont remis la pression sur la Collectivité de Corse.

« Si j’étais taquin, a commencé Camille De Rocca Serra, je dirais qu’à 80 millions d’euros, le projet du port était pharaonique et qu’à 145 millions, il n’est plus pharaonique... » Tout sourire, Jean-Christophe Angelini l’a repris sur le montant : « 180, pas 80... » Cette passe d’armes entre l’élu d’opposition porto-vecchiais et le maire fait référence à un temps où les rôles étaient inversés, et durant lequel l’opposant Jean-Christophe Angelini avait fustigé les rêves de grandeur du duo Camille De Rocca Serra – Georges Mela sur le projet d’extension initial du port de plaisance et de pêche porto-vecchiais. Un temps pas si lointain, mais qui semble révolu aujourd’hui. Car de bataille de chiffres, il n’y en a plus guère en réalité, tant le conseil municipal fait front commun autour de la version définitive de ce projet.

Le projet est actuellement financé à hauteur de 70 %
Le constat, c’est que le chantier a démarré en avril 2022 et qu’il poursuit son chemin depuis. Ira-t-il à son terme (programmé entre 2027 et 2028) ? Jean-Christophe Angelini en est convaincu, encore faut-il boucler à 100 % le plan de financement, qui est passé de 105 à 145 millions d'euros en novembre dernier. Or, aujourd’hui, où en est-on ? Deux emprunts ont été souscrits via les banques traditionnelles : 20 millions d’euros auprès du Crédit Agricole et 15 millions d’euros auprès de la Société Générale ; 20 millions d’euros ont été obtenus auprès de l’État, via le Plan de transformation et d’investissement pour la Corse (PTIC). Et le 6 mai, se sont ajoutés les 35 millions de la Banque des territoires. Ca fait donc 90 millions d’euros, auquel il convient d’ajouter le montant issu de la vente des garanties d’usage, ce contrat qui garantit au plaisancier qui le souscrit l’acquisition d’un anneau du port pour une durée de vingt ans. Cette commercialisation, la loi autorise qu’elle soit intégrée dans le plan de financement de l’extension du port. La ville de Porto-Vecchio a prévu d’en vendre pour 35 millions d’euros, mais l’objectif n’est pas atteint encore : « Là, on est entre 30 à 40 % des garanties d’usage commercialisées », a annoncé Jean-Christophe Angelini mercredi soir, durant le conseil municipal. Autrement dit, ce sont entre 10,5 et 14 millions d’euros de garanties d’usage qui auraient été commercialisées à ce jour. Il resterait donc, dans le meilleur des cas, 21 millions d’euros de garanties d’usage à écouler. « On avait prévu une clause de revoyure au bout d’une année de commercialisation, a rappelé le maire de Porto-Vecchio. On inscrira ce point à l’ordre du jour du conseil municipal de septembre, pour voir quels ont été les retours de la clientèle, critiques ou pas, sur les montants proposés. » Le port est donc financé, à ce jour, à hauteur de 70 % environ.

"Nous pensons que la CDC devrait intervenir"
Cela signifie qu’il reste au moins 41 millions d’euros à aller chercher : 21 (mais peut-être 24,5 millions) en contrats de garantie d’usage et enfin 20 millions encore non identifiés. Ces 20 derniers millions, ils sont néanmoins inscrits dans le plan de financement. La municipalité a sollicité une nouvelle fois l’État, pour qu’il ajoute 10 millions d’euros aux 20 déjà versés dans le cadre du PTIC. Et pour les 10 derniers millions, c’est à la porte du FEAMP (le fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche) et de l’ADEME (l’agence de la transition écologique) qu’il a fallu aller frapper. Sans retour, pour l’heure. « On ne va pas alourdir le recours à l’emprunt bancaire », a exclu Jean-Christophe Angelini qui pourrait envisager, « en dernier recours », d’augmenter le périmètre de vente des garanties d’usage. Soit espérer vendre pour un montant encore supérieur à 35 millions d’euros.

Dès lors, l’idée de voir la Collectivité de Corse mettre la main à la poche est revenue dans les bouches des élus porto-vecchiais. « On a de nouveau sollicité les services de la Collectivité de Corse, a confirmé Jean-Christophe Angelini, lui qui avait déjà rué dans les brancards en janvier 2024. Je les ai alertés quand j’ai appris qu’ils financeraient la rénovation du port de Santa Severa sur la commune de Luri. On m’a répondu que c’était une propriété de la CDC, et dès lors qu’il fallait intervenir, y compris pour des raisons de sécurité. Mais en l’occurrence, quand bien même elle n’est pas propriétaire - et tant mieux - du port de Porto-Vecchio, nous pensons que la Collectivité de Corse devrait aussi intervenir. » 

C’est là que Camille De Rocca Serra rejoint Jean-Christophe Angelini, reléguant aux oubliettes leurs désaccords passés : « Si la CDC considère qu’elle ne peut pas financer le développement économique lié au port de plaisance, au motif que ce ne serait pas dans ses prérogatives, elle pourrait au moins s’investir en tant que maître d’ouvrage. » L’ancien maire de Porto-Vecchio fait référence à l’aéroport de Figari :  « A la limite, qu’on ait 3 ou 5 millions d’euros de plus sur le port de plaisance, ce n’est pas ça l’intérêt. Nous avons surtout besoin dans l'Extrême-Sud d’un nouvel aérogare à Figari, puisque celui-ci date de 1994. Il était considéré pour accueillir 500 000 passagers, alors qu’à l’époque il y en avait 200 000. Aujourd’hui, il y a en a un million et on a toujours le même aérogare. »